Fuite de pétrole en Amazonie équatorienne: un parc naturel et une rivière pollués
Nouvelle urgence écologique dans la jungle amazonienne: le pétrole qui se déverse d'un oléoduc endommagé depuis vendredi dans l'Amazonie équatorienne a touché une aire naturelle protégée et une rivière qui alimente en eau plusieurs villages de cette région du nord-est de l'Equateur.
"La zone touchée est située dans le parc national de Cayambe-Coca et, selon le zonage, le déversement de pétrole a eu lieu dans la zone de protection", a annoncé dans un communiqué le ministère de l'Environnement.
Environ 21.000 m2 de la réserve Cayambe-Coca ont été touchés par la fuite de pétrole. Le brut s'est également écoulé dans la Coca, une rivière majeure de l'Amazonie qui se jette dans un fleuve, le Napo, a ajouté le ministère.
Cette rivière et ce fleuve alimentent en eau de nombreuses communautés, y compris des peuples autochtones.
"Notre personnel surveille 210 kilomètres de la rivière Coca et de ses affluents, et coordonne la mise en place de mesures de confinement et d'assainissement lorsque des traces d'hydrocarbures sont identifiées", ont ajouté les autorités.
Des comités d'urgence ont été activés dans les provinces de Napo et d'Orellana afin de "garantir une eau saine pour la consommation de la population".
"Nous exigeons de savoir combien de barils ont été déversés et quel sera le processus de livraison d'eau et de nourriture aux communautés", a déclaré sur Twitter la Confédération des nationalités indigènes de l'Amazonie équatorienne (Confeniae), principale organisation autochtone du pays.
"Il est clair que l'eau du fleuve ne peut pas être utilisée ou consommée", a déploré cette organisation, alors qu'aucune évaluation indépendante des dommages n'a été menée pour le moment.
A ce jour, ni le gouvernement ni la société privée OCP (Oleoducto de Crudos Pesados) qui gère l'oléoduc, n'ont précisé la quantité de pétrole déversée dans la nature.
- De l'eau partout -
D'une superficie de plus de 4.000 km2, le parc national de Cayambe-Coca est à cheval sur quatre provinces, dans une zone de montagnes et de forêts humides dans le bassin de l'Amazone, entre 600 et 5.790 mètres d'altitude.
Il tire son nom du Cayambe, un volcan, et de la rivière Coca qui traverse son territoire. Une centaine d'espèces de mammifères y sont recensés (tapirs, cougars, ours, condors, etc.) et près de 400 espèces d'oiseaux.
Situé à une centaine de kilomètres au nord-est de la capitale Quito, ce parc se caractérise par l'omniprésence de l'eau: chutes, cascades, sources, lagunes, landes imprégnées d'humidité et nimbées de brouillard... le tout sous des pluies incessantes.
De fortes pluies ont provoqué en fin de semaine glissements de terrain et chutes de pierres, entraînant la rupture d'un oléoduc de transport de pétrole brut dans la zone de Piedra Fina.
L'incident a eu lieu vendredi à la frontière entre les provinces de Napo et de Sucumbios, sur ce pipeline de 485 kilomètres de long qui traverse au total quatre provinces.
Selon le gouvernement, le glissement de terrain a affecté "quatre tuyaux de l'infrastructure", qui permet de transporter 160.000 barils de brut par jour à partir de puits de pétrole en pleine jungle.
L'OCP "assume la responsabilité de cet événement, causé par un cas de force majeure", a assuré dimanche son président exécutif, Jorge Vugdelija.
A grand renfort de bulldozers, l'entreprise a commencé à réparer l'oléoduc, collectant le pétrole brut "dans des bassins de rétention pour ensuite le transférer à la station de Lago Agrio (capitale de Sucumbios) par camions-citernes".
Deux oléoducs transportent le brut équatorien depuis les champs pétroliers amazoniens du nord-est du pays, vers les ports de la province d'Esmeraldas (nord-ouest), frontalière avec la Colombie sur la côte Pacifique: un oléoduc public (SOTE), à raison de 360.000 barils/jour, et l'oléoduc privé opéré par l'OCP (160.000 barils/jour).
L'Equateur dispose d'importantes ressources en pétrole, son principal produit d'exportation. Entre janvier et novembre 2021, le pays a produit une moyenne de 494.000 barils/jour.
Entre 1960 et 1990, Texaco, une filiale de Chevron, avait exploité ces réserves pétrolières en forêt amazonienne et avait été accusée d'avoir détruit une partie de la forêt et déversé délibérément des millions de tonnes de déchets toxiques en pleine jungle ou dans les fleuves, sur plusieurs centaines de sites.
U.Dumont--JdB