Trois personnes décèdent dans une traversée clandestine de la Manche
Les drames dans la Manche se poursuivent en plein hiver: trois personnes sont mortes dimanche dans une traversée clandestine, ce qui porte à au moins 76 - un record - le nombre de migrants décédés cette année dans de telles tentatives.
Les trois victimes ont été récupérées par l'hélicoptère de la Marine nationale et transportées au sein de la base nautique de Sangatte (Pas-de-Calais) où leur décès a été constaté, ont indiqué la préfecture maritime (Prémar) et la préfecture du Pas-de-Calais dans un communiqué conjoint.
Les deux premières seraient des hommes adultes, selon une source proche des secours, de même que la troisième victime, "apparemment de sexe masculin, majeure", selon le maire de Sangatte Guy Allemand.
Quatre personnes en urgence relative "ont été transportées dans les centres hospitaliers de Calais et de Boulogne-sur-Mer", ont ajouté les préfectures, soulignant que "la recherche de potentiels naufragés à la mer se poursuit".
Vers 06H00, plusieurs personnes se sont retrouvées dans l'eau après avoir tenté de monter à bord d'une embarcation déjà surchargée sur la plage de Sangatte, ont expliqué les autorités, selon lesquelles le canot gonflable a continué sa route vers l'Angleterre.
Vers 06H20, une équipe d'Utopia 56 a croisé une quinzaine d'exilés, trempés, sur une route à proximité de Blériot-Plage, une plage de Sangatte, puis un autre groupe d'une trentaine de migrants dans le même état, a déclaré à l'AFP Célestin Pichaud, coordinateur de cette association d'aide aux exilés. Ils ont pu leur donner chaussettes et pantalons avant l'arrivée des secours.
- "hypothermie" -
Un très important dispositif de secours a été déployé sur place, avec une trentaine de véhicules de pompiers, protection civile, police et CRS, a constaté un correspondant de l'AFP.
Quarante-cinq personnes ont été prises en charge à terre, "la plupart en hypothermie", ont précisé les préfectures.
Un hélicoptère survolait toujours la zone en milieu de matinée.
"Des personnes sur place nous ont tout de suite mentionné qu'un enfant était tombé à l'eau, on n'a pas eu d'information sur un enfant retrouvé", a indiqué Célestin Pichaud.
Depuis Noël, en dépit de la météo hivernale, des vents faibles ont favorisé les tentatives de traversée.
Entre mercredi et samedi, près de 1.500 migrants ont atteint les eaux anglaises à bord de "small boats", de frêles embarcations souvent surchargées, selon les chiffres communiqués par les autorités britanniques. Depuis janvier, plus de 36.000 personnes ont traversé par ce moyen.
"De nombreux départs" ont à nouveau eu lieu dimanche matin, selon la Prémar. Utopia 56 a reçu quatre appels d'embarcations en détresse, selon Célestin Pichaud.
- "on reste sur du curatif" -
"On a commencé l'année le 14 janvier avec cinq morts, on termine l'année avec trois morts sur le littoral parce que rien ne change", a regretté sur place Flore Judet, coordinatrice de L'Auberge des migrants, qui a participé dans la nuit à la maraude d'Utopia 56.
Le dispositif mis en place est "sans précédent sur la commune", a assuré à l'AFP Guy Allemand.
Malgré des renforts annoncés fin novembre par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, "les moyens restent insuffisants ou pas forcément efficaces dans la mesure où on reste sur du curatif", a ensuite estimé le maire devant la presse.
"Le seul moyen d'éviter (ces drames), c'est d'ouvrir le débat avec l'Angleterre", a-t-il assuré, une demande qu'il a déjà faite ces derniers mois avec plusieurs édiles du littoral, réunis en collectif pour demander un bras de fer avec le Royaume-Uni.
Avec au moins 76 morts, l'année 2024 a été la plus meurtrière en mer pour les candidats à l'exil vers l'Angleterre qui prennent davantage de risques pour braver une frontière ultra sécurisée.
Depuis l'apparition des "small boats" dans cette zone en 2018, les traversées ont évolué, marquées par "une prise de risque croissante des passeurs", observait la Prémar mi-décembre.
Leurs embarcations sont de "mauvaise qualité" et "inadaptées" à la traversée du détroit du Pas-de-Calais, soumis à des conditions météorologiques difficiles et qui concentre près de 25% du trafic maritime mondial, rappelle-t-elle.
D.Verstraete--JdB