A l'Assemblée, la bataille budgétaire en pause après une série de revers pour le gouvernement
Pas de 49.3 à ce stade, pas de vote solennel mardi: après six jours d'échanges houleux sur la partie recettes du budget 2025, les députés ont interrompu samedi soir leurs débats sans être allés au bout de son examen, et devraient le reprendre le 5 novembre.
A la clôture de la séance à minuit samedi, il restait encore plus de 1.500 amendements à examiner sur cette première partie du texte, qui aurait dû en principe faire l'objet d'un vote final mardi.
La semaine prochaine, les députés seront mobilisés sur le budget de la "Sécu"; et selon plusieurs sources parlementaires, les débats sur le "PLF" reprendront le mardi 5.
Le calendrier sera débattu mardi matin en conférence des présidents, "avec le gouvernement", et "nous pourrons regarder comment tout cela peut s'envisager", a affirmé à la tribune la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
En six jours, les députés ont "adopté près de 40 milliards d'euros d'impôts supplémentaires" qui s'ajoutent aux "30 milliards de la copie initiale du gouvernement", a déploré le député macroniste Charles Sitzenstuhl. "Il est vraiment temps que tout ceci s'arrête", a-t-il ajouté, fustigeant un "délire fiscal".
"La coalition gouvernementale sombre" et "il n'y a même pas de chaloupes pour ceux qui restent, (...), j'ai beaucoup de peine pour notre pays", a lancé le chef de file du RN dans cette bataille budgétaire, Jean-Philippe Tanguy.
Samedi comme les jours précédents, le gouvernement a effectivement enchaîné les revers.
La gauche a ainsi fait adopter une taxe exceptionnelle de 10% sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC40. Les députés ont étendu à l'ensemble du territoire les prêts à taux zéro pour l'immobilier, dans le neuf (comme le proposait le gouvernement), mais aussi dans l'ancien.
Ils ont aussi rendu pérenne la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises de fret maritime, plafonné à 500 millions d'euros la niche fiscale dont bénéficie ce secteur, approuvé un rétablissement progressif de la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), et supprimé l'alourdissement prévu du "malus" pour les voitures essence et diesel.
- Alliances changeantes -
Le tout au gré d'alliances parfois changeantes: si le Nouveau Front populaire a obtenu seul le rétablissement progressif de la CVAE, c'est une alliance hétéroclite d'élus RN, LR, socialistes et communistes qui a eu raison du malus automobile.
Et le RN - accusé par le camp macroniste d'avoir une ligne politique erratique sur la fiscalité des entreprises - a mêlé ses voix à la gauche pour plafonner la niche fiscale des armateurs, face aux rangs toujours très clairsemés des forces du "socle commun" censées soutenir le gouvernement.
Autres amendements adoptés, une série d'allégements de TVA pour différents secteurs: associations d'aide alimentaire, transports de voyageurs - sauf l'aérien - entreprises de réparation, nouveaux logements sociaux, ou "premiers kilowatts" de gaz et d'électricité consommés par les ménages.
Des amendements portés par Renaissance et le PS ont réduit à 30% les abattements fiscaux relatifs aux meublés de tourisme, inscrivant ainsi dans le budget une disposition destinée à mieux réguler le marché des logements type "Airbnb".
Vendredi déjà, le gouvernement avait subi de nombreuses défaites sur cette partie "recettes" du budget, avec la suppression de la surtaxe temporaire des grandes entreprises (dont la gauche avait préalablement augmenté les taux), ou la suppression de la surtaxe sur l'électricité, combattue par ses propres troupes.
Des députés de l'opposition soupçonnent le camp gouvernemental de pousser à un 49.3, en laissant le projet de budget de Michel Barnier être profondément remanié.
Un soupçon infondé, a assuré au Parisien la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon: "on ne cède pas à la facilité du 49.3, (...) le temps du débat est un moment de grande clarification qui permet aussi de bâtir des compromis", a-t-elle affirmé.
D'autres élus se demandent si le gouvernement ne cherche pas plutôt un rejet du texte, comme en commission des Finances, ou un enlisement des débats qui empêcherait un vote avant la date limite du 21 novembre, liée aux délais constitutionnels. Dans les deux cas, la conséquence serait une transmission directe du texte au Sénat.
M.F.Schmitz--JdB