Budget: le camp gouvernemental accusé d'obstruction à l'Assemblée
L'Assemblée a été le théâtre jeudi soir de vifs échanges, la gauche et le RN accusant les groupes gouvernementaux de faire de "l'obstruction", en ayant déposé de nombreux amendements sur le budget 2025, ce qui pourrait in fine conduire à une transmission du texte au Sénat sans que l'Assemblée ait pu se prononcer.
"Il ne s'est jamais vu dans un budget que les députés soutiens du gouvernement déposent 45% des amendements", a attaqué la présidente du groupe LFI Mathilde Panot.
"Monsieur le ministre, vous devez avoir des liens avec les groupes parlementaires qui vous soutiennent, et vous devez au moins leur demander d'enlever ces amendements (pour) terminer cette discussion", a-t-elle lancé au ministre du Budget Laurent Saint-Martin.
Le député Jean-Philippe Tanguy (RN) a lui reproché aux députés du camp gouvernemental de "faire en permanence de l'obstruction".
Une des craintes des députés est que les groupes gouvernementaux laissent délibérément se prolonger les débats, afin d'entrer dans le champ de l'article 47 de la Constitution, selon lequel si l'Assemblée n'arrive pas à se prononcer en première lecture sur un projet de loi de finances au bout de 40 jours (le 21 novembre), le gouvernement saisit le Sénat.
En utilisant cet article, le gouvernement est en train "d'utiliser l'équivalent d'un 49.3 silencieux", a accusé la députée Danielle Simonnet (groupe Ecologiste et Social), dans une allusion à ce désormais célèbre article de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote.
Le gouvernement de Michel Barnier a ouvert la voie à l'utilisation d'un 49.3 mercredi en Conseil des ministres. Mais la décision n'est pas prise d'en faire usage, assure une source gouvernementale.
Au total, plus de 3.650 amendements ont été déposés par les députés sur la partie "recettes" du projet de loi de finances, dont environ 45% par le "socle commun" LR-macronie, 20% par la droite, selon les services de l'Assemblée.
Au nom de la Droite républicaine, Véronique Louwagie a reconnu que son groupe avait "déposé beaucoup d'amendements", mais a souligné que cela était dans la "culture" de la droite, et que les circonstances étaient "exceptionnelles" avec un gouvernement nommé tardivement, quelques semaines seulement avant le débat budgétaire.
En réponse à ces critiques, M. Saint-Martin a dit souhaiter "avoir une fin des débats dès cette fin de semaine" et dit être disponible "autant que nécessaire".
- Ouverture samedi -
Plus tôt dans la journée, les quatre groupes du Nouveau Front populaire avait annoncé leur intention de retirer un quart de leurs amendements, soit environ 270, pour aller au vote.
EPR, présidé par Gabriel Attal, a pour sa part annoncé retirer "une centaine d'amendements". Mais l'entourage du président de DR Laurent Wauquiez interrogé par l'AFP a indiqué qu'il n'était "pas prévu à ce stade" que la droite suive cet exemple. Même chose chez Horizons, qui estime avoir été vertueux. "On regarde", a dit le MoDem.
Jeudi vers 22H30, seuls 434 amendements avaient été discutés, quelque 2.500 devant encore l'être. L'examen du texte devait s'achever vendredi soir, mais il se poursuivra samedi, a décidé la conférence des présidents jeudi.
Et si les débats ne sont pas terminés samedi, ils reprendront le 5 novembre, selon une source parlementaire. Un vote solennel est théoriquement prévu mardi.
La coalition gouvernementale fait par ailleurs l'objet de nombreuses critiques des oppositions depuis lundi en raison de son absentéisme dans l'hémicycle.
"Vous êtes 18 députés ce soir pour soutenir ce budget", a grondé le député RN Sébastien Chenu.
"Et moi, je vous le dis, s'il n'y avait pas les 60, 80 ou 100 députés RN et UDR ce soir, la France s'écroulerait sous les taxes de la France Insoumise (...) Donc en réalité, on est en train de sauver l'épargne des Français (...) par notre présence, au moment où vous fichez le camp pour déclencher un 49.4, parce que vous n'assumez même pas ce budget honteux", a-t-il tonné.
Si la copie gouvernementale est trop remaniée, et qu'il y a bien un vote, le camp gouvernemental pourrait également voter contre le texte, comme en commission, où il a critiqué une "boucherie fiscale". En ce cas, il appartiendrait au Sénat de reprendre la copie du gouvernement, avant une éventuelle commission mixte paritaire.
K.Laurent--JdB