Une violence "sans précédent" s'abat sur l'enfance dans le monde, s'insurge l'ONU
Guerres, changement climatique, migrations, agressions sexuelles, cyberharcèlement, mariages forcés, maladies mentales et suicides: une violence "sans précédent" dans l'Histoire récente s'abat sur des centaines de millions d'enfants, s'insurge dans un entretien à l'AFP l'émissaire de l'ONU en la matière, Najat Maalla M'jid.
Cette diplomate et pédiatre marocaine de 65 ans est depuis 2019 la représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres pour la lutte contre la violence à l'égard des enfants.
Elle présentera jeudi à l'Assemblée générale des Nations unies un rapport accablant qui conclut que la violence subie par les enfants de la planète est d'une "ampleur sans précédent".
Jeudi également, l'Unicef dévoilera des "premières estimations sur les violences sexuelles dans l'enfance" qui "révèlent une ampleur alarmante et des conséquences dévastatrices sur les enfants" avec "plus de 370 millions de filles et de femmes en vie aujourd'hui - soit une sur huit - (qui) ont subi un viol ou une agression sexuelle avant l'âge de 18 ans".
"Le monde ne va pas très bien (avec) beaucoup de crises", résume depuis son bureau new-yorkais Najat Maalla M'jid, qui espère néanmoins que ce "moment clé" de l'histoire mondiale permettra de "promouvoir un programme politique dont les hommes (et femmes) politiques tiendront compte".
"Conflits, crise climatique, insécurité alimentaire, énormes déplacements d'enfants et de plus en plus d'activités criminelles, de traites d'êtres humains, toute une criminalité facilitée par la technologie", égrène cette diplômée de médecine des universités de Bordeaux et de Rabat, titulaire d'une maîtrise en droits humains décrochée en Suisse, qui fut aussi rapporteuse spéciale de l'ONU sur la traite d'enfants, la prostitution et la pédopornographie.
Cette diplomate et femme politique ajoute à ce sombre tableau "la pandémie de Covid et les problèmes de santé mentale" qu'elle a provoqués pour la jeunesse.
"Les enfants paient un très lourd tribut", s'émeut-elle.
- Photo dévastatrice -
De fait, la photographie mondiale que dévoile son rapport est dévastatrice.
Plus de 450 millions d'enfants vivaient fin 2022 dans des zones de conflits.
Fin avril de cette année, 40% des 120 millions de déplacés dans le monde étaient mineurs. 333 millions d'enfants vivent dans une pauvreté extrême et plus d'un milliard courent un risque élevé d'être touchés par le changement climatique, qui agit comme un "multiplicateur de risque".
Le travail des enfants en frappe 160 millions et 640 millions de filles et de femmes ont été forcées de se marier pendant leur enfance, selon le rapport.
Et, d'après l'Unicef, "si l'on inclut les formes de violence sexuelle +sans contact+, telles que les agressions verbales ou en ligne, le nombre de filles et de femmes touchées s'élève à 650 millions dans le monde, soit une sur cinq".
Un élève sur trois de 13 à 15 ans est victime de harcèlement tandis que 250 millions sont hors du système scolaire.
- Un suicide toutes les 11 minutes -
Le suicide est la quatrième cause de décès chez les jeunes de 15 à 19 ans. Chaque année, près de 46.000 jeunes âgés de dix à 19 ans se donnent la mort au rythme de un toutes les onze minutes.
"Peut-on reprocher à un enfant d'être né dans un pays en guerre comme Haïti, le Soudan ou Gaza, de devoir fuir, de ne pas savoir de quoi sera fait l'avenir", tempête la responsable onusienne qui craint que "la violence ne devienne quelque chose de normal" dans un monde interconnecté et où "il sera impossible d'arrêter la mobilité des personnes".
Pour autant, Najat Maalla M'jid demeure optimiste: "il est possible de mettre fin à la violence contre les enfants" car cela à un intérêt "économique".
"La violence contre les enfants a un impact durable sur leur santé mentale, leur éducation, leur performance et, plus tard, leur productivité", explique la médecin.
Elle préconise donc d'investir massivement, en soulignant que, dans certains pays, le coût de la violence contre les enfants représente "11% du PIB" et parfois "cinq à six fois le budget du ministère de la Santé".
E.Goossens--JdB