Reprise des négociations chez Boeing, en mode survie financière pendant la grève
Les négociateurs de Boeing et du syndicat des machinistes (IAM), chaperonnés par une médiation fédérale, se retrouvent mardi pour élaborer une convention collective acceptable par les quelque 33.000 grévistes qui paralysent plusieurs usines cruciales de l'avionneur, le contraignant à se serrer la ceinture.
L'arrêt de travail a débuté vendredi après le rejet massif du projet de nouvelle convention collective, négocié depuis mars par Boeing et l'antenne locale de l'IAM et qui devait succéder à celle de 2008 qui expirait jeudi à minuit.
"Nous sommes plus forts que jamais et nous n'abandonnerons pas", a prévenu dimanche l'IAM-District 751, branche représentant les employés de Boeing dans la région de Seattle (nord-ouest).
"C'est le moment de nous dresser - de montrer à Boeing que nos voix ne sont pas simplement puissantes, mais qu'elles ne peuvent être étouffées", a-t-elle poursuivi.
Elle a adressé à ses membres un questionnaire pour connaître leurs priorités, "par ordre d'importance" puisque l'accord conclu par les négociateurs, et soutenu par la hiérarchie syndicale, a été rejeté par 95% d'entre eux.
"La perte de crédibilité de Jon Holden", président de l'IAM-District 751, est "un obstacle à une solution rapide", ont relevé les analystes de TD Cowen, estimant que son soutien à l'offre rejetée "suggère qu'il est déconnecté des adhérents".
Le chef syndical avait en effet recommandé une ratification de l'accord, arguant ne pouvoir "garantir que nous obtiendrons davantage en faisant grève".
Ce projet prévoyait notamment une hausse salariale de 25% sur quatre ans, jugée insuffisante au regard des +40% au moins revendiqués au départ.
Jon Holden avait indiqué fin juin à l'AFP que les rémunérations "stagn(aient) depuis huit ans" avec seulement quatre hausses de 1% sur cette période malgré une "inflation massive".
Selon BOFA Research, la rémunération totale de l'ancien patron Dave Calhoun - remplacé par Kelly Ortberg le 8 août - a bondi de 54,8% entre 2021 et 2024.
- "Bonne foi" -
Le constructeur a réitéré plusieurs fois depuis jeudi sa volonté de reprendre les discussions pour trouver une issue rapide.
"Nous travaillons de bonne foi pour parvenir à un nouvel accord de convention collective qui tienne compte des réactions et qui permette à l'activité de reprendre", a affirmé lundi Brian West, son directeur financier, dans un message aux employés.
"Cependant, notre groupe traverse une période difficile", a-t-il poursuivi, affirmant que le débrayage "menace notre reprise d'une manière importante".
Ce qui a poussé Boeing à prendre des mesures immédiates pour préserver ses liquidités: gel des embauches, des hausses salariales et de moult dépenses de fonctionnement.
L'avionneur prépare aussi une réduction de ses commandes d'approvisionnement industriel et envisage du chômage technique "dans les prochaines semaines".
Selon des estimations d'analystes, une grève de cinquante jours - jusqu'à fin octobre - priverait le groupe de 3 à 3,5 milliards de dollars de liquidités. Et de 8 milliards si elle perdurait jusqu'à fin 2024.
La dernière grève lancée par l'IAM-District 751 remonte à 2008. Elle avait duré 57 jours.
Le service fédéral de médiation et de conciliation (FMCS) a salué vendredi la volonté des deux camps d'oeuvrer pour trouver une "solution acceptable mutuellement", avec "l'objectif ultime d'empêcher une perturbation économique".
"Nous avons pris contact avec eux pour qu'ils se rencontrent et discutent rapidement", a expliqué lundi à l'AFP Javier Ramirez, un directeur du FMCS faisant partie de l'équipe de trois médiateurs mobilisés.
Le géant américain était déjà en grandes difficultés, peinant à se remettre des conséquences de crashes en 2018 et en 2019, qui ont fait 346 morts, et cumulant les problèmes de qualité de sa production.
Ses chaînes d'assemblage fonctionnaient au ralenti du fait de pénuries de matériaux, dans le sillage de la pandémie, mais un incident en vol début janvier sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines leur a donné un nouveau coup de frein.
Conséquence: les livraisons accumulent les retards. Outre le mécontentement des compagnies aériennes contraintes de revoir leurs programmes de vol en plein essor des voyages, cela prive le constructeur d'argent frais.
Il perçoit en effet environ 60% du prix des avions à la livraison.
Pour les analystes de Bank of America, Boeing était "très affaibli" avant le débrayage, mais celui-ci "exacerbe les défis existants". Selon eux, il lui avait fallu deux ans pour se remettre complètement de la grève de 2008.
Les grévistes doivent percevoir 250 dollars par semaine à partir de la troisième semaine d'arrêt de travail.
X.Lefebvre--JdB