Avec Trump ou Harris, la fracturation hydraulique a de beaux jours devant elle en Pennsylvanie
Chef des opérations d'un producteur de gaz de schiste en Pennsylvanie, Jason John Mounts compte voter à l'élection présidentielle américaine de novembre pour "quiconque rendra notre activité florissante", dans cet Etat clé de l'est des Etats-Unis.
M. Mounts, 40 ans, travaille dans le sud-ouest de la Pennsylvanie dont il est originaire, pour Diversified Energy. Cette société ne pratique pas elle-même la fracturation hydraulique mais achète des puits auprès d'entreprises de plus grande envergure ayant foré avec cette méthode controversée et coûteuse, un thème qui s'est invité dans la campagne présidentielle.
Ce procédé dangereux d'extraction consiste à injecter à haute pression de l'eau, du sable et des produits chimiques à des milliers de mètres de profondeur pour créer des failles dans les roches souterraines et libérer le gaz - et le pétrole - qu'elles renferment.
Diversified Energy entre alors en scène pour acheter et exploiter ces puits, en les perfectionnant pour en augmenter la production.
Les sept puits de son site de South Franklin, ouverts depuis une dizaine d'années, ronronnent doucement en exfiltrant le gaz du bassin de Marcellus, qui renferme l'une des plus importantes quantités de gaz de schiste au monde.
Ils produisent quotidiennement environ 113.000 m3, explique M. Mounts.
L'entreprise, présente dans plusieurs Etats américains, estime que son portefeuille de puits devrait produire du gaz pendant encore 50 à 75 ans en moyenne.
"Cela va faire partie intégrante de notre économie pour aussi longtemps que nous en aurons besoin", commente Douglas Kris, vice-président de Diversified Energy chargé des relations avec les investisseurs.
Et peu importe qui, du républicain Donald Trump ou de la démocrate Kamala Harris, s'installera à la Maison Blanche à l'issue du scrutin du 5 novembre, le secteur se montre confiant.
- "Folle de Trump" -
Car les deux candidats se sont engagés à soutenir l'industrie de la fracturation hydraulique, un appui qui ne passe pas inaperçu dans ce "Swing State", c'est-à-dire l'un des quelques Etats qui devraient permettre de remporter la présidentielle.
Mais comme d'autres électeurs, Jennifer McIntyre, 47 ans, se souvient de l'appui indéfectible de l'ancien président pour cette activité controversée tandis que la vice-présidente a fait volte-face, pour y apporter désormais son soutien.
"Je suis complètement folle de Trump mais je pense qu'il est très conflictuel", confie à l'AFP cette employée de Keystone Clearwater Solutions, qui fournit des services d'acheminement d'eau à l'industrie de fracturation hydraulique.
Très active pour le parti républicain dans le comté rural de Washington, elle considère que le milliardaire est "incroyablement pro-gaz et pro-pétrole" tandis que les démocrates, au niveau local comme fédéral, ont mis en place des réglementations mettant des bâtons dans les roues de cette industrie.
"Je pense parfois que ces réglementations ne sont pas toujours appropriées", relève-t-elle.
La Pennsylvanie s'est lancée dans la fracturation hydraulique au début du XXIe siècle, connaissant un véritable boom dans l'extraction du gaz naturel qui l'a propulsée devant le Canada et le Qatar en termes de production annuelle.
Elle compte actuellement près de 13.000 puits, d'après son département de la protection de l'environnement.
- "Cols bleus et cols blancs" -
Une manne qui profite non seulement aux industriels mais également aux propriétaires des terrains, percevant des royalties, et aux autorités locales.
Mais des scientifiques, des défenseurs de l'environnement et des professionnels de la santé du monde entier plaident pour l'interdiction de cette technique d'exploitation d'énergies fossiles. Ils mettent en avant ses effets néfastes pour la santé et pour le climat ainsi que ses conséquences à long terme sur l'environnement.
Certains pays, comme la France et l'Allemagne, ou encore des provinces canadiennes et d'autres Etats américains, ont interdit ou suspendu cette pratique.
En Pennsylvanie, où le charbon régnait autrefois en maître, le soutien pour la fracturation n'a fait que croître.
En 2022, 48% des habitants de l'Etat s'y disaient favorables contre 44% contre, selon une consultation du Muhlenberg College Institute of Public Opinion. Et 86% des personnes interrogées affirmaient que cette industrie était positive pour l'économie.
Le secteur soutenait en 2022 plus de 120.000 emplois, payés en moyenne 97.000 dollars par an, selon une étude mandatée par l'organisation commerciale Marcellus Shale Coalition (MCS).
"Ces emplois sont dans toutes les catégories", précise à l'AFP David Callahan, président de MCS. "Beaucoup d'emplois pour cols bleus. Mais aussi beaucoup d'emplois pour cols blancs".
W.Dupont--JdB