En crise, Deutsche Bahn cède sa pépite logistique Schenker pour renflouer le rail allemand
Le fournisseur de services logistiques danois DSV a été choisi pour acquérir sa rivale allemande Schenker, filiale de Deutsche Bahn, une opération à 14,3 milliards d'euros qui doit contribuer à désendetter l'opérateur ferroviaire public allemand en crise.
"Avec cette acquisition, nous réunissons deux entreprises solides, créant ainsi un leader mondial du transport et de la logistique", s'est félicité dans un communiqué Jens Lund, le PDG de DSV, fondé en 1976.
Ensemble, les deux entreprises, présentes dans plus de 90 pays, atteignent un chiffre d'affaires combiné de près de 40 milliards d'euros et quelque 147.000 employés. Le nouveau groupe va compter parmi les poids lourds du secteur aux côtés de géants comme DHL, UPS ou Fedex.
Des accords "ont été conclus avec DSV pour préserver les emplois et conditions de travail des salariés en Allemagne au moins 2 ans après la conclusion de la transaction, soit jusqu'en 2027", a affirmé vendredi une porte-parole du ministère des Transports.
Il y aura à plus long terme besoin de supprimer 1.600 à 1.900 postes, la moitié dans l'administration, et en évitant les licenciements secs, a toutefois appris l'AFP auprès d'une source proche du dossier.
Les représentants du personnel estiment pour leur part que 5.300 des 15.000 emplois de Schenker en Allemagne pourraient être menacés.
Ils dénoncent une stratégie à court terme de Deustche Bahn consistant à se séparer d'une filiale bénéficiaire au moment où l'assainissement du réseau nécessite de pouvoir injecter des milliards d'euros dans les travaux.
La compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn (DB) avait lancé fin 2023 la vente de sa filiale logistique, activité la plus rentable du groupe en étant présente sur la route, la mer, les fleuves et dans les airs.
Cette vente vise à diminuer son énorme dette, supérieure à 30 milliards d'euros, tout en répondant au besoin urgent d'investir dans son réseau vieillissant, miné par les dysfonctionnements.
- Offre "la plus avantageuse" -
DSV "prévoit des investissements d'environ un milliard d'euros en Allemagne au cours des trois à cinq prochaines années", s'est félicité DB vendredi.
Son patron Richard Lutz, cité dans un communiqué, note que la réduction de la dette "contribuera de manière substantielle à la viabilité financière" de l'entreprise ferroviaire détenue à 100% par l'Etat allemand.
"Mon objectif est que Deutsche Bahn se concentre sur son cœur de métier qui est le transport ferroviaire en Allemagne", a déclaré le ministre des Transports allemand, Volker Wissing, favorable à l'opération.
"Au cours des trois prochaines années, l'accent sera mis sur l'assainissement structurel de l'infrastructure, de l'exploitation ferroviaire et de la rentabilité" du groupe, selon M. Lutz.
Deutsche Bahn a affiché l'an dernier une perte nette de 2,35 milliards d'euros, multipliée par dix en un an.
Trains bondés et en retard, suppressions ou interruptions inopinées de trajets liées à des problèmes techniques, fermetures de larges tronçons de lignes pour des travaux de maintenance et de réparation sont devenus la norme pour les voyageurs sur le réseau ferroviaire allemand.
Seulement 64% des trains longue distance sont arrivés à l'heure l'an dernier. Ce taux de ponctualité, qui mesure les trains n'ayant pas plus de 5 minutes de retard est même descendu à 52,5% en juin, en plein démarrage de l'Euro de foot.
La vente de Schenker s'est jouée entre DSV et un consortium dirigé par le fonds CVC Capital Partners, associé à deux fonds souverains d'Abou Dabi et de Singapour.
"DSV s'est imposé avec l'offre clairement la plus avantageuse économiquement pour Deutsche Bahn", assure vendredi l'opérateur public allemand.
Pépite financière de DB, Schenker avait toutefois vu son résultat d'exploitation chuter de 38% sur un an à 1,1 milliard d'euros. En cause, les taux de fret qui se sont normalisés avec la fin de la pandémie de Covid-19.
Schenker emploie plus de 70.000 personnes et pointe au 4ème rang du secteur des fournisseurs de services, juste derrière DSV. Le groupe danois a pris une nouvelle dimension après le rachat de son concurrent suisse Panalpina en 2019 pour quelque 37 milliards de couronnes, soit près de 5 milliards d'euros.
Y.Callens--JdB