La BCE baisse de nouveau ses taux, appelle à suivre le rapport Draghi
La Banque centrale européenne a abaissé ses taux pour la deuxième fois en trois mois, dans un contexte de conjoncture poussive, appelant les gouvernements à se saisir des propositions du rapport Draghi pour renforcer l'économie européenne.
Le taux de dépôt, qui fait référence car les banques disposent encore des liquidités abondantes fournies par la BCE pendant les années de crise, a été réduit de 25 points de base pour atteindre 3,50%.
La BCE va ainsi influencer les conditions auxquelles les banques se prêtent entre elles, offrant un léger bol d'air pour apaiser les tensions sur le crédit immobilier des ménages et les prêts aux entreprises.
Le recul de l'inflation, à 2,2% en août en zone euro, plaidait en faveur d'un nouvel assouplissement, après celui de juin, de même que l'atonie de l'activité économique en Europe.
Si la décision du jour a été prise à l'unanimité des vingt-cinq membres du conseil des gouverneurs, en raison de son caractère "opportun", selon le communiqué de leur décision, le flou reste de mise pour la suite de l'assouplissement.
"Nous déciderons réunion par réunion et notre trajectoire, dont la direction est assez évidente, n'est pas prédéterminée, ni en termes de séquence, ni en termes de volume", a répété la présidente de l'institution Christine Lagarde devant la presse.
En d'autres termes, la position des "faucons" au sein de la BCE reste prépondérante, eux qui militent pour une approche prudente et progressive sur les taux, pour éviter un retour de l'inflation.
Cette politique des petits pas fait l'objet de critiques parmi ceux qui estiment que la BCE agit trop tard et trop lentement, nuisant à l'économie. La prochaine baisse de taux est attendue en décembre.
La politique monétaire "reste inutilement et trop longtemps en zone restrictive. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la zone euro dont la dynamique de croissance ne connaît actuellement qu'une seule direction - celle de la baisse", commente Eckhard Schulte, analyste chez MainSky Asset Management.
Après une phase de renchérissement du crédit sans précédent pour lutter contre une inflation exceptionnellement élevée, à la suite notamment de la guerre russe en Ukraine, les gardiens de l'euro avaient baissé les taux en juin pour la première fois depuis cinq ans.
- Rapport Draghi -
La BCE avait observé une pause en juillet mais le contexte économique l'a poussée de nouveau à l'action: l'inflation est tombée sous la cible de 2% dans les deux principales économies, la France et l'Allemagne, alors que les hausses de salaires commencent à ralentir.
De plus, la croissance économique dans la zone euro a été légèrement révisée à la baisse, à 0,2% pour le deuxième trimestre 2024.
Les nouvelles projections économiques publiées jeudi par la BCE n'aident pas à la décision: léger ajustement à la baisse de la croissance, maintien des anticipations d'inflation voyant l'indicateur atteindre la cible des 2% fin 2025.
Dans ce contexte peu porteur, le diagnostic posé cette semaine sur l'économie européenne par le rapport de Mario Draghi est "sévère mais juste", a estimé Mme Lagarde, et devrait selon elle amener les gouvernements à se saisir des propositions faites dans ce document.
Notamment, à lancer "maintenant" les réformes en vue de réduire leurs déficits budgétaires, sans que l'ancienne ministre de l'Economie cite en particulier la France, où le sujet constitue une des priorités du Premier ministre Michel Barnier.
La France est visée depuis fin juillet par une procédure européenne pour déficit excessif, comme six autres Etats membres de l'UE.
Détail technique des décisions du jour: l'écart entre le taux de dépôt et le taux de refinancement des banques à une semaine a été réduit, passant de 50 à 15 points de base.
Le but de ce changement, annoncé en mars, est d'éviter une volatilité des taux sur le marché interbancaire quand la BCE aura réduit l'excès de liquidités dans le secteur bancaire, un processus qui devrait prendre des années mais que l'institut veut anticiper.
Le taux des opérations de refinancement (MRO), que les banques paient si elles doivent emprunter de l'argent à la BCE pour une semaine, est ainsi retombé à 3,65%, et celui sur les allocations sur un jour (MLF) à 3,90%.
I.Servais--JdB