Le Royaume-Uni aux urnes pour des législatives historiques, le Labour grand favori
Les électeurs votent jeudi au Royaume-Uni pour des législatives qui laissent augurer une lourde défaite des conservateurs au pouvoir depuis 2010, au profit d'un parti travailliste de centre gauche qui suscite un espoir prudent.
Après cinq Premiers ministres, l'austérité, la crise du coût de la vie, un système de santé public à bout, les Tories se sont attirés tant de griefs des Britanniques qu'ils n'avaient plus qu'une ambition dans les derniers jours de la campagne : essayer d'empêcher que le Labour dispose d'une "super majorité".
Son arrivée à Downing Street serait celle d'un modéré, quand l'extrême droite frappe à la porte du pouvoir en France et quand se profile la possibilité d'un retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
"Le changement. Aujourd'hui, vous pouvez voter pour", a écrit sur X Keir Starmer, entré en politique il y a seulement neuf ans.
Il a coché son bulletin de vote jeudi matin dans le nord de Londres, arrivant main dans la main avec son épouse Victoria.
Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak a quant à lui voté en tout début de matinée dans sa circonscription du nord de l'Angleterre, avec sa femme Akshata Murty. Sur X, il a agité la menace d'impôts plus élevés "pour le reste de votre vie" à cause du Labour.
- "Tout a mal tourné" -
Les estimations sont attendues à la clôture des bureaux de vote à 22H00 (21H00 GMT), avant que les résultats ne s'égrènent jusqu'au petit matin.
"C'est le moment du changement, n'est-ce pas ?", lance Peter Warren, un responsable des ventes de 43 ans rencontré par l'AFP à la gare de Saint-Albans, en périphérie de la capitale britannique. "J'ai de l'espoir mais je ne suis pas sûr que les choses vont s'améliorer tant que ça", poursuit-il, traduisant la prudence de nombre de ses compatriotes à l'égard de l'alternance attendue.
Dans le sud de Londres, Mark Bevington, un comptable de 52 ans, voit d'un bon oeil cette perspective : "le fait qu'un nouveau gouvernement ait eu l'occasion de réfléchir, quand il était dans l'opposition, à ce qu'il voulait faire me semble sain".
De retour après avoir vécu en Australie, Ianthe Jacob, une écrivaine de 32 ans, juge que "tout a mal tourné" au Royaume-Uni, citant l'état du système public de santé et la manière dont sont traitées les personnes transgenres. "Comment est-ce qu'un pays développé a pu en arriver là ?", s'interroge-t-elle près de son bureau de vote dans l'est de la capitale.
Si l'issue de ces élections ne semble faire aucun doute, les questions demeurent autour de l'ampleur de la défaite des conservateurs, devancés d'une vingtaine de points depuis des mois dans les sondages, ou encore sur le score du parti anti-immigration Reform UK de l'ancien champion du Brexit Nigel Farage.
Selon la dernière étude de l'institut YouGov, le Labour obtiendrait 431 députés contre 102 pour les Tories - une majorité sans précédent depuis 1832. Les Libéraux-démocrates (centristes) remporteraient 78 sièges et Reform UK trois, permettant à Nigel Farage d'entrer dans la chambre basse du Parlement après sept échecs.
- Pluie et gaffes -
Pour Rishi Sunak, le cinquième Premier ministre conservateur depuis 2010, ces législatives qu'il avait annoncées sous la pluie fin mai, marquent la fin d'une campagne qui a tourné au calvaire.
Cet ancien banquier d'affaires et ministre des Finances de 44 ans a accumulé les bévues et semblé manquer de sens politique, écourtant sa présence aux célébrations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie et tardant à réagir aux soupçons de paris frauduleux dans son camp sur la date des élections.
En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes - mère infirmière et père outilleur - contrastant avec son adversaire multimillionnaire. Il a promis une gestion des dépenses publiques très rigoureuse, sans augmentation d'impôts pour la majorité des Britanniques.
Il compte sur une stabilité retrouvée, des interventions de l'Etat et des investissements dans les infrastructures pour relancer la croissance et redresser des services publics.
Il veut se montrer ferme sur les questions migratoires et se rapprocher de l'Union européenne - sans la rejoindre, tant les débats du Brexit ont fracturé le Royaume-Uni.
Sa prudence lui a permis d'engranger des soutiens dans les milieux d'affaires et une partie de la presse conservatrice tels que celui du tabloïd The Sun. Mais le prestigieux quotidien The Times (centre droit) a refusé, fait rarissime, de se prononcer.
R.Verbruggen--JdB