Rattrapée par ses déficits, la France voit sa note souveraine abaissée par S&P
A neuf jours des élections européennes, le gouvernement a subi vendredi la première dégradation de la note souveraine de la France par S&P depuis 2013, l'agence de notation sanctionnant les déficits publics du pays et ne croyant pas à ce stade au rétablissement des comptes promis d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron en 2027.
La note est passée du troisième cran "AA" au quatrième "AA-".
Les oppositions ont immédiatement réagi. "La gestion catastrophique des finances publiques par des gouvernements aussi incompétents qu’arrogants a mis notre pays dans de très graves difficultés cumulant records d’impôts, de déficit et de dettes", a écrit Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN, sur X.
"La dégradation reflète notre projection que, contrairement à nos attentes précédentes, la dette publique française en proportion du PIB (Produit intérieur brut NDLR) va augmenter en raison des déficits plus importants que prévus en 2023-2027", a justifié la société américaine dans une analyse accompagnant la note, en rappelant que le déficit public français avait été en 2023 "nettement plus élevé que ce que nous avions prévu".
S&P ne croit pas que le déficit sera ramené à 3% du PIB en 2027, comme le gouvernement le prévoit, et prévoit même 3,5% à cette date.
Le risque de dégradation de la note souveraine planait depuis plusieurs trimestres, la précédente note "AA" étant assortie depuis décembre 2022 d'une "perspective négative". Cette note juge de la capacité d'un pays à payer ses dettes.
Le gouvernement a réagi par la voix de son ministre de l'Economie et des Finances en affirmant que les dépenses et le creusement des déficits depuis le Covid avait permis de sauver l'économie française.
"Notre stratégie reste la même: réindustrialiser, atteindre le plein-emploi et tenir notre trajectoire pour revenir sous les 3% de déficit en 2027", a déclaré Bruno Le Maire dans une interview au Parisien, en assurant que rien ne changerait dans le quotidien des Français.
Mais ses opposants ont éreinté la politique gouvernementale.
"Voilà où nous mène la piteuse gestion des finances publiques du duo Macron/Le Maire!", a écrit sur X Eric Ciotti, président des Républicains.
Pour le président insoumis de la commission des Finances de l'Assemblée nationale Eric Coquerel, "il ne fait par contre aucun doute que le gouvernement va se servir de cette décision pour justifier de nouvelles coupes budgétaires".
La décision de S&P "paraît légitime" pour l'économiste de Rexecode Charles-Henri Colombier, contacté par l'AFP. Elle est sans conteste un "coup dur pour le gouvernement une semaine avant les élections européennes", a-t-il ajouté.
La France décroche désormais du groupe composé notamment de la Belgique et du Royaume-Uni, mais reste mieux notée que l'Espagne ou l'Italie.
- Dérapage -
L'argumentation de S&P a été saisie par le ministre aux Comptes publics Thomas Cazenave dans une déclaration transmise à l'AFP.
Selon lui, "cette révision de la note de la dette française par S&P ne fait que traduire un impératif que nous connaissons déjà: celui de poursuivre le rétablissement de nos finances publiques".
Le risque inhérent à une rétrogradation est un mouvement de défiance des investisseurs et un alourdissement de la charge de la dette.
Avec un double A même suivi d'un signe moins, la capacité de la France à honorer les échéances de sa dette reste cependant "très forte" selon les critères de l'agence de notation.
Lors de sa précédente analyse de l'économie française, en décembre, S&P avait averti la France qu'elle pourrait risquer la rétrogradation si elle diminuait trop lentement ses déficits pour entraîner une réduction de la dette, ou si les intérêts d'emprunt augmentaient au-delà de 5% des recettes des administrations publiques.
Le dérapage surprise du déficit public pour 2023 annoncé depuis par le gouvernement, à 5,5% du PIB, au lieu de 4,9% attendus, n'a pas joué en sa faveur, malgré une série de mesures qui permettraient selon lui de revenir dans les clous.
S&P note la France depuis 1975. C'est la première agence à avoir retiré à l'Hexagone son emblématique "triple A" en 2012, meilleure note possible et symbole d'une excellente gestion, dont un petit cercle bénéficie encore à l'instar de l'Allemagne et de l'Australie.
En avril, les deux autres principales agences internationales, Moody's et Fitch, n'ont pas revu à la baisse la note française.
La première note la France "Aa2", soit l'équivalent d'un "AA" pour S&P, la seconde est déjà au stade de "AA-" depuis avril 2023.
P.Renard--JdB