Avec 12 ans de retard, EDF va pouvoir mettre en service son nouveau réacteur nucléaire EPR à Flamanville
L'épilogue d'un long feuilleton: le gendarme du nucléaire français a donné mardi son feu vert à la mise en service du réacteur de nouvelle génération EPR de Flamanville en Normandie, une étape clé pour le lancement progressif de la production d'électricité prévu au cours de l'été, douze ans après le calendrier prévu.
A l'heure où la France veut construire jusqu'à 14 réacteurs en France, ce feu vert est une étape majeure pour EDF et toute une filière qui entendent tourner la page d'un chantier laborieux de 17 ans, émaillé de multiples problèmes et de surcoûts colossaux.
"L'autorisation de mise en service" délivrée par l'Autorité de sûreté nucléaire va ainsi permettre à EDF de "charger le combustible nucléaire dans le réacteur et de procéder aux essais de démarrage puis à l’exploitation du réacteur", a expliqué le gendarme du nucléaire dans un communiqué.
Regardant la mer, à côté des deux autres réacteurs plus anciens de la centrale de Flamanville, sur la pointe du Cotentin, le réacteur de 1.600 MW sera le plus puissant du parc nucléaire français qui en comptera désormais 57.
Si le démarrage se confirme à l'été 2024, il interviendra avec douze ans de retard sur le calendrier de départ, pour une facture totale désormais estimée à 13,2 milliards d'euros, selon EDF, soit quatre fois le devis initial de 3,3 milliards.
Lancée en 1992 comme le fleuron de la technologie nucléaire, sur une collaboration initiale franco-allemande, la technologie du réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçue pour relancer l'atome en Europe, après la catastrophe de Tchernobyl de 1986, en offrant une sûreté et une puissance accrues.
Mais la promesse s'est heurtée à de nombreux contretemps. A l'instar du premier chantier d'EPR, lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, celui de Flamanville démarré en 2007 aura connu une succession de déboires: fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l'acier de la cuve, défauts de soudures...
Les difficultés ont souvent été imputées à "une forme de désapprentissage" de la filière nucléaire après "une longue période d'absence de projets nucléaires" dans les années 1990-2000, souligne le chercheur spécialiste de l'histoire du nucléaire Michaël Mangeon. A cela s'ajoutent "des études insuffisamment développées (...), des problèmes de gouvernance, de qualité ou encore un contexte réglementaire en évolution continue", énumère-t-il.
Des EPR ont déjà été inaugurés, deux en Chine puis celui d'Olkiluoto, mais les prochains réacteurs qu'EDF compte édifier en France et en Europe seront des EPR2, une version simplifiée, selon l'électricien.
- Premiers électrons cet été -
"C'est une nouvelle étape décisive dans la relance du nucléaire initiée par le président du République. (...) Prochain rendez-vous : le chargement du combustible", a commenté Bercy.
A tout moment, EDF peut commencer à charger, un par un, les 241 assemblages d'uranium au fond du réacteur.
Le raccordement au réseau électrique (le "couplage") n'interviendra que dans plusieurs mois, une fois que le réacteur aura atteint 25% de sa puissance. Ce n'est qu'en "fin d'année" que le réacteur devrait livrer ses électrons à 100% de sa puissance, selon EDF.
D'ici là, EDF devra encore solliciter trois avis de l'ASN: "avant de démarrer la réaction nucléaire" (une étape qui peut prendre plusieurs semaines), au palier de puissance de 25%, puis au palier de 80%, a précisé M. Collet.
A Flamanville, EDF attendait un feu vert au premier trimestre. Mais l'instruction de l'autorisation s'est prolongée jusque "fin avril", selon l'ASN, en raison d'ultimes vérifications de conformité sur la chaudière, une pièce maîtresse.
Entretemps, la consultation du public s'est tenue du 27 mars au 17 avril sur le site internet de l'ASN, recueillant 996 contributions, le réseau Sortir du Nucléaire assurant qu'"un grand nombre d’entre elles sont défavorables". "Cette mise en service hâtive peut s’expliquer par la volonté du gouvernement de démontrer que son EPR français peut fonctionner et que EDF est venu à bout de ce chantier catastrophique", selon l'association antinucléaire.
L'ASN assure avoir tenu compte des "interrogations" en introduisant une "prescription supplémentaire" pour qu'EDF "informe, au moins mensuellement", le public de l'avancement de ses essais, selon M. Collet.
Une fois branché sur le réseau, Flamanville 3 n'en aura pas encore terminé avec les travaux: le réacteur devra être arrêté dès 2026, à l'occasion d'une visite de maintenance, pour remplacer le couvercle défectueux de la cuve.
R.Cornelis--JdB