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Des Etats américains cherchent à criminaliser le "contrôle météorologique", sur la base de théories complotistes
Des politiques américains, encouragés par des théories complotistes partagées par leurs électeurs, se mobilisent pour interdire les expériences atmosphériques dans leurs États, ce qui pourrait entraver les activités météorologiques locales, mais aussi l'avancée de la recherche scientifique, estiment des experts juridiques.
Afin d'expliquer les dernières inondations meurtrières dans le Kentucky ou les ouragans dévastateurs en Floride et Caroline du Nord de 2024, des conspirationnistes se tournent de plus en plus vers des théories infondées de fabrication de nuages bloquant la lumière du soleil et de pulvérisation de substances chimiques dans le ciel.
Et des législateurs issus d'une quinzaine d'Etats, comme l'Arizona et la Floride, souhaitent criminaliser toute modification météorologique dans le but d'apaiser leurs électeurs - après que l'Etat du Tennessee a passé une première loi similaire au printemps dernier.
Dans le Kentucky, le républicain John Hodgson a déclaré à l'AFP avoir déposé un projet de loi en janvier parce que les citoyens "ne veulent pas que le gouvernement tente de modifier le rayonnement solaire ou les conditions météorologiques".
Aucun programme gouvernemental de ce type n'a pourtant joué un rôle dans les inondations de février, qui ont causé la mort d'au moins 23 personnes.
"Rien de cela n'est contrôlé par le gouvernement", a déclaré Shane Holinde, météorologue au centre climatique du Kentucky.
Des experts juridiques interrogés par l'AFP soulignent que ces propositions de loi reposent pour la plupart sur un manque de distinction du public entre des activités météorologiques existantes, telles que des programmes locaux d'ensemencement des nuages dans l'Ouest américain, et la recherche à grande échelle en matière de géo-ingénierie, aux progrès timides.
Un projet de loi dans le Kentucky propose, par exemple, l'interdiction de l'injection d'aérosols dans la stratosphère, une technique étudiée en laboratoire.
Des chercheurs espèrent que cette méthode permettra un jour de modifier l'équilibre énergétique entre la Terre et le Soleil et ainsi contrer certains effets du changement climatique.
Selon Edward Parson, professeur de droit environnemental à UCLA en Californie, ces textes cherchent à "interdire quelque chose qui n'est pas en train de se produire" et alimentent davantage la désinformation sur le sujet.
- Projets de loi "farfelus" -
Ces projets de loi, confondant toutes sortes de notions scientifiques et ciblant souvent une interdiction générale des expérimentations atmosphériques, risquent de signer l'arrêt de projets existants aux bénéfices environnementaux marginaux visant, par exemple, à préserver les récoltes agricoles de certains Etats.
Si ces textes signalent une réaction démesurée de la part de certains politiques américains, Deborah Sivas, professeure de droit environnemental à l'université de Stanford, souligne toutefois l'importance de réglementer les expériences en matière de géo-ingénierie à grande échelle, à mesure que la recherche progresse.
Des questions éthiques se posent quant à la modification de "conditions météorologiques au-dessus de l'océan ou d'autres grandes étendues" nationales et internationales, a-t-elle indiqué à l'AFP.
Dana Willbanks recense les tentatives d'obstruction de la recherche scientifique aux Etats-Unis pour une organisation à but non lucratif en partenariat avec l'université de Columbia.
Elle note une augmentation du "discours climato-sceptique" à tout niveau gouvernemental depuis le début du second mandat du président américain Donald Trump, qui, dès son retour à la Maison Blanche, a pris une série d'initiatives défavorables à la lutte contre le changement climatique.
"Nous allons commencer à voir de plus en plus de projets de loi farfelus" comme ces interdictions de contrôler la météo, a-t-elle déclaré.
W.Wouters--JdB