A l'Eurovision, l'Ukraine espère la victoire... en chantant
La victoire en chantant? Rien n'est acquis mais les Ukrainiens, favoris de la compétition, devraient bénéficier d'un large vote de solidarité lors de la finale de l'Eurovision samedi soir à Turin.
Comme lors des deux demi-finales organisées cette semaine dans la capitale piémontaise, dans le nord-ouest de l'Italie, une vague de drapeaux bleu et jaune du pays sous la mitraille de l'armée russe déferlera dans l'arène du Pala Olimpico où se produiront les 24 finalistes.
"Gagner l'Eurovision nous donnerait beaucoup d'espoir de gagner la guerre" contre la Russie, confiait à l'AFP une fan ukrainienne, Maria Lembak, 40 ans, dans les rues de Turin où elle participait samedi à un contre-rassemblement face à une petite manifestation pro-Russe.
Comme chaque année ou presque depuis 1956, les candidats hauts en couleur et forts en voix chanteront en direct devant des dizaines de millions de téléspectateurs en espérant prendre les charts d'assaut.
Parmi les ébouriffants prétendants au titre de pape de la pop cathodique, les Norvégiens Subwoolfer interprètent "Give that Wolf a Banana" (Donne une banane à ce loup), vêtus de masques de grossiers canidés munis de longs crocs blancs, et les Français Alvan & Ahez, dont le titre "Fulenn" s'inspire d'une légende bretonne.
La France, donnée en 15e position par le site eurovisionworld.com qui agrège plusieurs sites de paris en ligne, court après sa première victoire depuis celle de Marie Myriam ("L'enfant et l'oiseau") en... 1977. La Française Barbara Pravi, avec sa chanson "Voilà", avait manqué de peu l'exploit l'an passé en se classant 2e.
La Serbe Konstrakta, elle, se lave littéralement les mains dans une bassine en ironisant sur "les beaux cheveux de Meghan Markle", l'épouse américaine du prince britannique Harry.
Ca, c'est pour la mise en bouche décalée.
Mais les festivités sont cette année placées sous le signe funeste de la guerre en Ukraine, moins de trois mois après le déclenchement de son invasion le 24 février par la Russie, exclue de l'Eurovision dès le lendemain par l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), organisatrice de l'événement.
- Qui pour battre l'Ukraine? -
Favorite des bookmakers, l'Ukraine concourt avec le groupe ukrainien Kalush Orchestra, dont la chanson "Stefania" mêle hip-hop et musique traditionnelle sur des paroles intimistes - écrites avant la guerre - qui résonnent fortement avec l'actualité ("Je trouverai toujours le chemin de la maison même si toutes les routes sont détruites").
A six sur scène, les membres du groupe, tous en âge de combattre, bénéficient d'une dispense provisoire délivrée par le gouvernement de Kiev, mais ils devront rentrer chez eux prendre les armes dès la fin du concours. L'un d'eux est resté au pays.
"Un membre du groupe a rejoint la défense territoriale de Kiev au troisième jour de la guerre", a confié le chanteur Oleh Psiuk à l'AFP. "Nous sommes très inquiets pour lui, nous espérons le retrouver sain et sauf à notre retour".
Derrière l'Ukraine, les parieurs misent sur le Britannique à la voix stratosphérique Sam Ryder, qui chante "SpaceMan" en solo et en combinaison, la Suédoise Cornelia Jakobs avec un glamour assez classique ("Hold me closer"), et Mahmood & Blanco ("Brividi") qui aimeraient faire gagner à l'Italie une deuxième victoire consécutive après le groupe rock Maneskin en 2021.
La chanteuse espagnole d'origine cubaine Chanel, en tenue - très légère - de torera referme le top 5 avec le titre latino rythmé "SloMo".
En cas de triomphe, l'Ukraine doublerait la mise après sa victoire en 2016 - deux ans après l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie - avec Jamala et le titre "1944", une chanson racontant la déportation des Tatars par Staline.
Mais pour l'emporter, le Kalush Orchestra devra battre les 24 autres finalistes en recueillant le maximum de votes auprès des professionnels du monde de la musique et du public dans chaque pays, qui ne peuvent pas voter pour leur propre candidat.
La prochaine édition du concours se tiendrait alors, du moins en théorie, en Ukraine, qui serait selon les mots d'Oleh Psiuk "une Ukraine nouvelle, intégrée, développée et florissante".
R.Vandevelde--JdB