"L'exclusion" du roi Felipe VI provoque une crise entre l'Espagne et le Mexique
La relation ancienne, dense et profonde entre l'Espagne et le Mexique traverse une crise à six jours de l'investiture de la prochaine présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, à laquelle le roi d'Espagne Felipe VI n'a pas été invité.
"En signe de contestation" à cette "exclusion" "inexplicable" et "inacceptable", l'Espagne a boycotté la cérémonie du 1er octobre qui marque l'arrivée au pouvoir de la première femme présidente dans l'histoire du Mexique.
"L'Espagne et le Mexique sont des peuples frères. Et par conséquent il nous paraît absolument inacceptable que l'on exclue la présence de notre chef de l'Etat", a déclaré mercredi à New York le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, depuis l'Assemblée générale des Nations unies à New York.
Felipe VI a participé "à toutes les investitures" en Amérique latine "comme prince et aussi depuis qu'il est roi et chef de l'Etat" en 2014, a ajouté M. Sanchez.
Le chef du gouvernement social-démocrate a lui-même été invité dès juillet à la cérémonie d'investiture, a expliqué mercredi la présidente élue du Mexique Claudia Sheinbaum.
Mais pas le roi d'Espagne, parce qu'il refuse de reconnaître les "dommages" provoqués par la conquête il y a cinq siècles, a-t-elle poursuivi dans un communiqué.
Le roi d'Espagne n'a jamais répondu à une lettre du président sortant, Andres Manuel Lopez Obrador, envoyée en 2019, a-t-elle rappelé.
Le président de gauche nationaliste lui proposait de reconnaître "de manière publique et officielle" ces "dommages" provoqués par la conquête (1521-1821).
"Malheureusement, cette lettre n'a jamais eu de réponse de manière directe, comme cela aurait dû se faire dans la meilleure pratique des relations bilatérales", ajoute Mme Sheinbaum, du parti de gauche au pouvoir Morena comme le président sortant.
Il y a une semaine, le Mexique avait publié la liste des invités à la cérémonie d'investiture du 1er octobre à Mexico.
- "Enorme frustration" -
Le roi d'Espagne Felipe VI ne figurait pas dans cette liste où apparaissent les principaux leaders de la gauche d'Amérique latine, à commencer par le président du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva, et la première dame des Etats-Unis, Jill Biden.
M. Sanchez a exprimé son "énorme frustration" d'autant plus que le Mexique est dirigé par "des gouvernements progressistes".
"Nous aussi nous sommes un gouvernement progressiste et on dirait qu'on ne peut pas normaliser nos relations politiques", a-t-il déploré.
Dans son communiqué, Mme Sheinbaum a indiqué qu'elle avait parlé avec M. Sanchez il y a deux jours.
L'Espagne et le Mexique sont unis par des liens historiques, humains, économiques et culturels profonds.
Des milliers d'entreprises espagnoles opèrent au Mexique, à commencer par les banques BBVA et Santander, deux des leaders du marché local.
En début d'année, le Mexique a racheté au géant espagnol de l'énergie Iberdrola 13 centrales de production d'électricité pour 6,2 milliards de dolalrs.
Pendant son mandat, le président sortant Andres Manuel Lopez Obrador a déclaré à deux reprises une "pause" dans la relation avec l'Espagne.
Dans sa lettre de 2019, il proposait "que les deux pays s’accordent et écrivent un récit partagé, public de leur histoire en commun", rappelle Mme Sheinbaum dans son communiqué.
Le roi Felipe VI a participé à quelque 80 cérémonie d'investiture en Amérique latine, d'après le site d'information El País.
En 2022 en Colombie, à l'investiture du président de gauche Gustavo Petro, des observateurs ont reproché au monarque espagnol d'être resté assis au passage de l'épée de Simon Bolivar, l'un des héros de l'indépendance des colonies espagnoles en Amérique latine au début du XIXe siècle. Les autres invités s'étaient levés.
O.Leclercq--JdB