Journal De Bruxelles - Mostra de Venise: Almodóvar, crépuscule à New York

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Mostra de Venise: Almodóvar, crépuscule à New York
Mostra de Venise: Almodóvar, crépuscule à New York / Photo: Alberto PIZZOLI - AFP

Mostra de Venise: Almodóvar, crépuscule à New York

Peut-on commencer une carrière américaine à 74 ans ? L'icône du cinéma espagnol Pedro Almodóvar a livré à Venise son premier long métrage en anglais, une histoire crépusculaire de suicide assisté avec les stars américaines Tilda Swinton et Julianne Moore.

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"The Room Next Door", en lice pour le Lion d'or, suit Ingrid, autrice de romans angoissée par la fin de l'existence (Julianne Moore), et Martha (Tilda Swinton), son amie de jeunesse, ancienne reporter de guerre habituée à défier la mort, qui vit seule dans son bel appartement new-yorkais.

En quelques flash-back, le film rembobine la vie de Martha: sa fille qu'elle n'a jamais élevée à cause de son travail et à qui elle n'a jamais parlé de son père biologique, ses compagnons auxquels elle ne s'est jamais attachée. Une femme forte, libre, mais solitaire.

Lorsque les deux amies se retrouvent, Martha est en phase terminale d'un cancer. Refusant la perspective d'un nouveau traitement aussi incertain qu'éprouvant, elle décide de mettre fin à ses jours, en prenant un médicament acheté illégalement sur internet.

Elle prie Ingrid de l'accompagner dans ses derniers instants, en s'installant avec elle dans une somptueuse maison de location à la campagne, dans "la chambre d'à côté".

L'amie ne sera jamais loin mais n'aura pas à lui administrer la pilule, que Martha entend prendre seule, une nuit, derrière sa porte fermée. Elle lui promet que personne ne saura jamais rien de leur arrangement. Mais Ingrid va mettre dans la confidence un homme, joué par John Turturro, qui fut leur compagnon à toutes les deux.

Almodovarien en diable sur le papier, le film est pourtant loin du bruit et de la fureur des comédies kitsch et provoc' des débuts de l'enfant terrible du cinéma espagnol mais aussi des sommets d'émotion de "Tout sur ma mère" ou "Parle avec elle".

Il s'éloigne aussi de sa veine autobiographique plus récente ("Douleur et gloire") pour aller franchement vers le mélo, sans révolutionner la façon de filmer un sujet, l'euthanasie, régulièrement traité au cinéma.

Il tente quelques échappées politico-sociales, dressant un parallèle entre la fin de vie et la catastrophe climatique.

- "Un monde qui agonise" -

Almodóvar, dont les oeuvres sont de plus en plus tourmentées par le déclin physique et la peur de la mort, est revenu sur le sujet en conférence de presse : "Le film parle d'une femme qui agonise dans un monde qui agonise aussi probablement".

"Je suis né dans la région de la Mancha, où il y a une profonde culture autour de la mort (...) Je me sens très proche du personnage de Julianne (Moore), je ne peux pas admettre que quelque chose qui est vivant doive mourir. La mort est partout mais c'est quelque chose que je n'ai jamais compris. J'ai 74 ans. Chaque jour que je passe est un jour en moins qu'il me reste".

Tourner aux Etats-Unis, en anglais, était un projet caressé de très longue date par l'Espagnol, maître incontesté dans son pays, auteur d'"Attache-moi!" ou "La Loi du Désir" et grande voix du cinéma européen.

Après quelques tentatives infructueuses à Hollywood, Almodóvar a choisi de situer son film sur la côte est, dans l'Etat de New York, la ville qui lui a ouvert les portes des Etats-Unis à ses débuts dans les années 1980.

Almodóvar a sorti en 2020 un premier moyen métrage en langue anglaise, "La voix humaine", tiré de Jean Cocteau, déjà avec Tilda Swinton. Trois ans plus tard, il a récidivé dans un format encore plus court avec "Strange Way of Life", un western gay mettant en scène Ethan Hawke et Pedro Pascal.

Pour "The Room Next Door", il s'est appuyé une fois de plus sur le compositeur Alberto Iglesias pour la bande originale et sur la collaboration avec de grandes marques pour la garde-robe des actrices. "Chaque personnage doit être habillé d'une certaine manière. De cette façon, beaucoup d'émotions sont racontées", avait expliqué le cinéaste à l'AFP en juin.

W.Baert --JdB