Les nouveaux contrôles post-Brexit, épine pour les horticulteurs britanniques
Yuccas d'Espagne, rhododendrons d'Allemagne ou noisetiers des Pays-Bas: à l'image de la pépinière Provender à Swanley (sud-est de l'Angleterre), l'horticulture britannique redoute les nouveaux contrôles frontaliers post-Brexit qui entrent en vigueur mardi.
Dans les allées de la pépinière, le responsable production et biosécurité Stuart Tickner inspecte les feuilles d'un prunus nain pour s'assurer qu'il n'est pas porteur de maladies.
Un peu plus loin, avec le directeur général Richard McKenna, ils passent en revue des Photinia et redressent des mûriers sans fruits qui viennent de débarquer d'Italie. Tout sera plus difficile et plus cher à partir de mardi.
"Nous allons devoir payer le déchargement et le rechargement du camion" au poste frontière, et si une cargaison se retrouve bloquée dans les contrôles, "les plantes peuvent s'abîmer", anticipe M. McKenna.
Or une cargaison représente jusqu'à 40.000 livres (47.000 euros): "si un camion entier est endommagé (...) cela pourrait avoir d'énormes conséquences financières pour l'entreprise", ajoute le dirigeant.
Pour l'horticulture, "l'impact du Brexit a été énorme dès le début" car "le gouvernement britannique considère que les plantes présentent un risque élevé d'importation de maladies et de nuisibles", ajoute le patron.
Cela a rendu l'importation de plantes "beaucoup plus difficile, coûteuse et chronophage".
Mardi, le Royaume-Uni met en place des contrôles physiques, maintes fois reportés, sur certains produits d'origine animale ou végétale de "risque moyen" (notamment certaines fleurs coupées ou graines), après l'introduction en janvier de certificats sanitaires et phytosanitaires.
Les végétaux à "hauts risques", notamment les plantes destinées à être placées en terre, verront leurs contrôles déjà en place renforcés, avec pour le gouvernement l'objectif d'inspecter à terme 100% des cargaisons dans cette catégorie.
Les nouveaux contrôles représentent "un risque très élevé" pour les entreprises du secteur, abonde auprès de l'AFP Sally Cullimore, une responsable de l'Association des métiers de l'horticulture (HTA).
Les entreprises sont dans le flou sur leur fréquence, alors que le gouvernement a dit vouloir "monter en puissance" progressivement, mais il y a aussi "un manque de certitudes sur les coûts", ajoute-t-elle.
"Nous ne pourrions pas survivre sans importer", plaide Richard McKenna, vu les besoins de variété de plantes demandés par les clients, dont un grand nombre ne poussent pas au Royaume-Uni.
Mais si les surcoûts et le nouveau régime empêchent de facto d'importer ou rendent le produit si cher que personne ne veut l'acheter, "alors cela aura un impact profond sur l'entreprise", déplore M. McKenna.
- Pénuries et prix en hausse -
Ces inquiétudes sont partagées par Aron Gelbard, directeur de Bloom & Wild, entreprise qui s'est fait connaître au Royaume-Uni en proposant des livraisons de fleurs à travers les boîtes aux lettres, aussi présente en France sous la marque Bergamotte.
Environ 20% des fleurs vendues au Royaume-Uni proviennent d'Europe, notamment des Pays-Bas, et "si beaucoup se retrouvent trop longtemps dans les contrôles et finissent par être jetées parce qu'elles ne sont plus fraîches (...) cela pourrait entraîner des pénuries", prévient-il.
Cela s'ajoutera au paiement d'un forfait par les entreprises importatrices (jusqu'à 145 livres par envoi pour les cargaisons qui débarquent à Douvres ou prennent l'Eurotunnel) qui fera monter le prix des fleurs pour les consommateurs, selon lui.
Après cinq reports des inspections frontalières depuis le Brexit, les entreprises demandent de la certitude, et s'exaspèrent des constants changements de direction dans le calendrier des contrôles: "une distraction de notre activité", poursuit M. Gelbard.
Chez Provender, un immense bâtiment, encore en travaux, se dresse en léger surplomb des rangées de plantes et de serres dans lesquels déambulent les clients, jardiniers professionnels ou paysagistes.
Pour tenter de contourner les risques liés aux nouvelles formalités, l'entreprise du Kent est en effet l'une des premières à avoir obtenu l'autorisation d'abriter un "point de contrôle" sur site, où les inspecteurs du gouvernement effectueront les vérifications phytosanitaires.
"Nous espérons réduire le risque de dommages", car les plantes seront manipulées par les employés spécialisés de l'entreprise, et "éliminer les retards sur les camions", explique M. McKenna. Le point de contrôle devrait être prêt dans quelques semaines. Mais il a un coût: 100.000 livres (117.000 euros).
P.Mathieu--JdB