A son procès, Bernard Laporte à la peine sur les accusations de conflits d'intérêts
"Dans ma tête, il n'y a pas de conflits d'intérêts": le patron de la fédération française de rugby (FFR) Bernard Laporte a peiné jeudi à justifier les liens d'affaires noués avec le président de club du Top 14 Mohed Altrad, derrière lequel l'accusation voit un pacte de "corruption".
Face au tribunal correctionnel qui le juge depuis mercredi à Paris, l'homme fort de l'ovalie a dû longuement s'expliquer sur le contrat de février 2017 aux termes duquel 180.000 euros lui ont été versés en échange de prestations pour le groupe de BTP de M. Altrad, également président du Montpellier Hérault Rugby (MHR).
Aucune prestation ne sera réalisée et M. Altrad va alors bénéficier d'une série d'arbitrages favorables de la fédération: en mars 2017, son groupe devient le premier sponsor maillot du XV tricolore et, en juin, le club du MHR voit une sanction disciplinaire réduite en appel après un coup de téléphone de M. Laporte.
Rose-Marie Hunault, la présidente du tribunal, s'étonne : M. Laporte n'a-t-il pas perçu de conflits d'intérêts potentiels au moment de signer un contrat avec un président de club --et ami-- alors qu'il vient d'être élu à la tête de la FFR ?
L'ex-sélectionneur des Bleus avoue ne pas avoir consulté le service juridique de sa fédération et dit simplement avoir évoqué le sujet avec son épouse, avocate fiscaliste.
- "Je ne suis pas juriste, je suis désolé. Dans ma tête, les choses sont claires".
- "Mais dans le contrat, elles ne le sont pas!", reprend la présidente, qui s'étonne du peu de choses que M. Laporte semble savoir sur ce qu'il devait faire pour le groupe Altrad. Est notamment évoquée une aide au rachat d'une entreprise anglaise alors convoitée par le groupe et dont M. Laporte avoue à l'audience ne rien savoir.
"Vous n’êtes pas très curieux monsieur Laporte! Moins que le tribunal en tout cas", glisse la présidente.
La présidente joue les ingénues, s'excuse d'avoir "été trop longue", répète à plusieurs reprises ne "rien connaître" au rugby mais sa maîtrise du dossier met M. Laporte en difficulté.
Pour se défendre, le dirigeant tente une parade: il ne peut y avoir de conflits d'intérêts puisque le club montpellériain dépend de la Ligue de rugby et non de la FFR.
Risposte immédiate de la présidente qui lui fait remarquer que les décisions de la Ligue peuvent être annulées par la Fédération, qui a aussi son mot à dire sur les sanctions disciplinaires infligées aux clubs du Top 14.
"On laisse (la Ligue) gérer, sauf quand ça va passe mal", doit reconnaître M. Laporte qui semblait davantage à son aise la veille quand le tribunal était accaparé par les attaques des avocats contre l'enquête du parquet national financier.
- Geste désintéressé -
L'ancien sélectionneur des Bleus paraissait également plus serein au début de son interrogatoire, quand la présidente l'interrogeait sur son parcours et son accession à la tête de la fédération, qu'il a présentée comme un geste désintéressé pour un sport "qui lui a tout donné".
En 2016, M. Laporte avait quitté ses fonctions d'entraîneur du RC Toulon pour briguer, à titre bénévole, le poste de président de la fédération avec l'objectif de redonner son lustre à l'ovalie.
"Le rugby reculait et était en échec", a affirmé M. Laporte, incriminant la Ligue nationale de rugby qui avait, selon lui, "pris le pouvoir".
"Voilà pourquoi j’ai quitté le monde professionnel, je dois tout au rugby et c'était le moment de s'engager", a-t-il expliqué, assumant son souhait de trouver un sponsor maillot pour le XV de France afin d'en "redistribuer" les revenus au monde amateur.
Mais là encore, la présidente l'a fait vaciller, notamment en l'interrogeant sur la charte d'éthique et de déontologie du rugby français de 2015, que la FFR est statutairement chargée de faire appliquer.
Un de ses articles appelle à "garantir un fonctionnement démocratique, transparent et impartial des institutions du rugby, notamment en prévenant les conflits d’intérêt".
Pressée par Mme Hunault, M. Laporte doit l'admettre: il n'a "jamais lu" cette charte.
Fin du procès prévu le 22 septembre.
R.Cornelis--JdB