

Le cheval, partenaire thérapeutique de victimes de violences sexuelles
"Depuis que j'ai commencé l'équithérapie, ma reconstruction accélère": comme d'autres victimes de violences sexuelles, Yannaïck Tregaro-Van Damme suit un parcours thérapeutique centré sur le cheval, qui l'aide à panser ses traumas.
Cette ancienne sportive de 60 ans, aujourd'hui retraitée de la Fédération française de canoë-kayak, a subi sa première agression sexuelle à l'âge de 18 ans. "Ça fait quarante-deux ans que je me bats pour m’en sortir", assure-t-elle.
L'équithérapie, prise en charge thérapeutique non conventionnelle et complémentaire de soins médicaux, semble enfin l'aider à soigner ses maux.
Anne Kurz-Van der Hoeven, thérapeute, et Pascale Bouthillon, médecin psychiatre, sont à l'origine de ce parcours proposé à un groupe de femmes et un groupe d'hommes.
L'association Stop aux Violences Sexuelles 75-78, qui l'a lancé il y a neuf ans, privatise pour l'occasion un lieu équestre en pleine nature à Achères, dans les Yvelines.
Ce vendredi matin d'avril, au milieu des bottes de foin, les sept femmes participantes évoquent leur ressenti par rapport à la séance précédente, et leur état émotionnel actuel. Puis elles rejoignent les chevaux et les poneys dans le rond de longe pour les brosser et commencer les exercices, rebaptisés "expériences".
"On ne peut pas tricher avec un cheval", assure Anne Kurz-Van der Hoeven, spécialisée dans la médiation équine. "Le cheval est un animal chaud et doux, toujours dans l'instant présent. C'est une éponge à émotions et cela lui donne la capacité empathique de ressentir l'état interne d'une personne", précise-t-elle.
Bien que cette méthode bénéficie de subventions de la part du ministère des Sports, les participants déboursent 140 euros par séance. En fonction de leurs revenus, certains bénéficient de la gratuité.
"Etre avec les chevaux, ça fait ressortir des choses dont je n'avais pas conscience en thérapie classique, assise sur un fauteuil. J'ai des parties du corps qui se crispent quand je suis à leur contact", confie Laëtitia, 39 ans, une participante.
A tout moment, les femmes peuvent d'ailleurs demander l'intervention du kiné.
- Levées d'amnésie -
Monter à cheval peut favoriser les levées d'amnésie d'un traumatisme oublié par le ou la patiente, selon les deux fondatrices. C'est le cas de Laurène, 38 ans: "Le cheval m'a aidé à me reconnecter à la petite fille de sept ans qui a subi plusieurs abus sexuels que j'avais oubliés".
Suite à leurs agressions, "certaines femmes ne peuvent pas monter sur un cheval en position classique mais on trouve des solutions: elles peuvent monter en amazone", souligne Anne Kurz-Van der Hoeven.
Chaque séance propose un thème spécifique: la pose des limites avec le cheval, la confiance, l'équilibre, l'engagement,... L'enchaînement des thèmes est pensé comme une suite logique vers la reconstruction après ce type de trauma.
Le parcours implique une multitude de thérapeutes. Les séances sont ainsi encadrées par Jennifer, psychologue clinicienne, Wilfried, kiné-ostéopathe ou encore Cécile, pair-aidante, qui a elle-même été victime de violences sexuelles.
Dernier encadrant: Taksy, le chien thérapeute. "Il est interdit de jouer avec lui parce qu'il est au travail!", lance Anne Kurz-Van der Hoeven.
Pour suivre ce parcours collectif, chaque patiente doit être suivie en parallèle par un thérapeute afin de "rebondir sur le thème de chaque séance et aborder le prochain", explique Dr Pascale Bouthillon.
L'équithérapie suscite beaucoup d'espoir auprès de ces soignants: "le changement chez ces femmes est colossal pendant la thérapie car le cadre permet d’aller à la racine du trauma", selon le médecin.
Ce parcours a notamment fait l'objet d'une thèse de médecine de l'Université de Caen en 2022 qui a montré les "résultats prometteurs" sur les personnes atteintes de troubles de stress post-traumatique, mettent en avant les fondatrices.
T.Moens--JdB