Thaïlande: les pro-cannabis célèbrent la dépénalisation de la culture et de la vente
A boire, à croquer, à fumer: plusieurs milliers de jeunes ont célébré ce week-end la dépénalisation de la culture et de la vente du cannabis en Thaïlande, une première en Asie, même si l'usage récréatif reste interdit.
Le royaume conservateur à majorité bouddhiste a longtemps appliqué un arsenal législatif très sévère contre cette drogue, contribuant à remplir encore davantage les prisons bondées du pays.
Mais les autorités, qui cherchent à s'emparer d'une part du lucratif marché des aliments et médicaments à base de cannabis, ont progressivement assoupli les textes ces dernières années.
Après avoir légalisé son usage thérapeutique en 2018, le gouvernement a retiré le 9 juin la plante de sa liste des stupéfiants.
Les Thaïlandais peuvent désormais la cultiver, la vendre et la consommer dans des produits alimentaires.
Ces derniers doivent contenir moins de 0,2% de tétrahydrocannabinol (THC), la molécule qui donne à la marijuana ses effets psychotropes.
Et, contrairement à l'Uruguay et au Canada, l'usage récréatif reste interdit, exposant toujours le contrevenant à des amendes, voire à des peines de prison.
Les partisans de la légalisation du cannabis, qui participaient ce week-end à un festival au bord d'un lac à l'ouest de Bangkok, se félicitent toutefois de cette étape importante.
"Les Thaïlandais ont cuisiné, se sont soignés, ont fabriqué des produits à base de cannabis pendant des siècles avant que la plante ne soit interdite. Pouvoir à nouveau l'utiliser librement est tout simplement incroyable", résume à l'AFP Arun Avery, un des organisateurs de l'évènement.
Non loin de là, Victor Zheng, propriétaire de Nature Masters, une boutique spécialisée, prodigue des conseils de culture à ses nombreux visiteurs.
D'autres s'essayent aux brownies au haschich, au bong qui permet d'être "high" encore plus rapidement, ou au simple pétard... à haute teneur en THC.
Steve Cannon, un musicien de jazz américain qui vit en Thaïlande depuis 15 ans, n'a plus peur de la police.
Pour lui, la nouvelle réforme ouvre la voie à une dépénalisation de la marijuana, détenue en petite quantité.
"Si j'avais 20 kilos dans mon camion cela serait différent, mais si je n'ai qu'un ou deux joints dans ma poche, la police n'aura aucune raison de m'embêter. Elle se concentrera davantage sur les autres drogues illicites", estime-t-il.
- Prudence -
Plusieurs observateurs incitent tout de même, vu le flou actuel des textes, à une grande prudence, notamment les touristes nombreux à revenir dans le royaume après plus de deux ans de pandémie.
Depuis le 9 juin, plus de 3.000 prisonniers détenus pour des infractions liées au cannabis ont été libérés, d'après les données du ministère de la Justice.
Et le ministère de la Santé publique a l'intention de distribuer un million de plants de cannabis, afin de booster la culture et au final stimuler le secteur agricole et le tourisme.
"Nous devons savoir comment utiliser cette plante", a récemment déclaré le vice-Premier ministre et ministre de la Santé Anutin Charnvirakul. "Si la population est correctement sensibilisée, le cannabis est quelque chose de précieux, autant que l'or, et il doit être promu".
Au cours de la prochaine décennie, le marché légal de la plante pourrait valoir entre 50 et 200 milliards de dollars, d'après les experts, de plus en plus de pays assouplissant sa production à des fins alimentaires et médicales.
Les entreprises thaïlandaises tentent d'ores et déjà de profiter de cette libéralisation.
Charoen Pokphand, un gigantesque conglomérat spécialisé dans l'agroalimentaire, les télécommunications et le commerce de détail, a annoncé le mois dernier vouloir développer des produits alimentaires et des boissons infusés au CBD, une molécule présente dans le cannabis.
O.Leclercq--JdB