

Le Soudan et les Emirats arabes unis s'affrontent devant la CIJ
Le Soudan et les Emirats arabes unis vont s'affronter jeudi devant la Cour internationale de Justice, Khartoum accusant les Emirats d'avoir enfreint la convention des Nations unies sur le génocide à travers un soutien présumé aux combattants rebelles dans la guerre civile qui ravage le pays.
Les EAU estiment que l'affaire est sans fondement et assurent n'être pas impliqués dans cette guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé des millions de personnes et provoqué une famine dans de vastes régions du nord-est de l'Afrique.
Le Soudan souhaite que les juges de la CIJ émettent des ordonnances d'urgence obligeant les Emirats à cesser leur soutien présumé aux paramilitaires majoritairement arabes des Forces de soutien rapide (FSR) qui combattent l'armée soudanaise depuis 2023.
Dans sa requête auprès de la Cour, le Soudan affirme que la perpétration de "génocide, meurtres et déplacements forcés" a été rendue possible "par le soutien direct apporté par les Emirats arabes unis à la milice rebelle des FSR".
La requête allègue également que les Emirats "se rendent complices de génocide contre les Massalit (communauté non-arabe, ndlr) en exerçant leur autorité sur la milice rebelle des FSR et en fournissant à cette dernière un soutien financier, politique et militaire massif".
Khartoum a également demandé aux juges d'ordonner aux EAU de procéder à des "réparations complètes", notamment en indemnisant les victimes de la guerre.
Le Soudan accuse les Emirats arabes unis de manquer aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention des Nations unies de 1948 sur le génocide, établie à la suite de l'Holocauste.
Toutefois, Lana Nusseibeh, une représentante des Emirats arabes unis, a déclaré à l'AFP avant les audiences que ces accusations sont "sans fondement" et représentent "un mauvais usage du temps et de la pratique de la Cour".
"C'est une parodie que les institutions internationales soient ainsi utilisées comme plateformes de désinformation au lieu d'être utilisées pour appliquer la justice sur le terrain", a-t-elle déclaré.
Les EAU nient avoir fourni des armes aux FSR. Les Etats-Unis ont accusé l'armée soudanaise d'attaquer des civils et les FSR de "commettre un génocide" dans la région du Darfour occidental.
Possible incompétence de la CIJ
Selon des experts juridiques, le cas du Soudan pourrait rapidement s'enliser sur des questions de compétence.
Lorsque les Emirats ont signé la convention sur le génocide, ils ont émis une "réserve" à l'égard d'une clause-clef permettant aux pays de s'attaquer mutuellement devant la CIJ en cas de litige.
Les revendications du Soudan soulèvent des "questions importantes", a écrit Michael Becker, expert en droit international du Trinity College de Dublin, dans un article publié sur le site spécialisé Opinio Juris.
Mais "il est très peu probable que l'une ou l'autre de ces allégations factuelles ou revendications juridiques soient entendues ou tranchée par la CIJ", a-t-il ajouté.
"Etant donné que les Emirats arabes unis ont émis une réserve sur l'article IX lorsqu'ils ont adhéré à la convention sur le génocide en 2005, on peut s'attendre à ce que la CIJ conclue qu'elle n'est pas compétente pour juger ce différend", a poursuivi M. Becker.
Le Soudan a fait valoir dans sa requête que la réserve émise par les Emirats arabes unis était "incompatible" avec l'objectif de la convention sur le génocide, qui met l'accent sur la responsabilité collective mondiale de prévenir ce crime contre l'humanité.
Les avocats du Soudan s'adresseront jeudi à la Cour au Palais de la Paix à La Haye à 10H00 (08H00 GMT), tandis que les Emirats arabes unis répondront à 16H00 (14H00 GMT).
Les décisions de la CIJ sont définitives et contraignantes, mais la Cour n'a aucun moyen de les faire respecter.
G.Lenaerts --JdB