Journal De Bruxelles - Aux Etats-Unis, prévenir les overdoses est devenu une question de "justice raciale"

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Aux Etats-Unis, prévenir les overdoses est devenu une question de "justice raciale"
Aux Etats-Unis, prévenir les overdoses est devenu une question de "justice raciale" / Photo: Agnes BUN - AFP Photo/Archives

Aux Etats-Unis, prévenir les overdoses est devenu une question de "justice raciale"

En 2020, le taux de mortalité par overdose chez les personnes noires a dépassé celui des personnes blanches aux Etats-Unis pour la première fois depuis 1999, selon une étude publiée cette année. Son auteur, Joseph Friedman, chercheur à l'université UCLA en Californie, détaille* pour l'AFP les raisons de ce glissement récent.

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Question: Quelles ont été les différentes vagues d'overdoses par opiacés aux Etats-Unis?

Réponse: La première vague est venue des overdoses liées aux sur-prescriptions d'opiacés, fournis à la population via le système de soin.

Puis, quand les Etats-Unis ont commencé à drastiquement réguler leur accès, beaucoup de gens se sont mis à consommer de l'héroïne. Cela a causé une forte augmentation des décès par overdose car les gens sont passés à une forme plus dangereuse d'opiacés.

Ensuite, la troisième vague est le passage au fentanyl illégal. Les fentanyls illégaux peuvent être jusqu'à 100 fois plus puissants que l'héroïne.

La quatrième vague est ce que nous voyons très récemment, avec une forte augmentation des polysubstances. Les gens consomment du fentanyl, mais aussi d'autres types de substances en même temps --parfois intentionnellement mais beaucoup sans le savoir.

Q: Pourquoi avoir commencé à étudier les inégalités raciales face aux overdoses?

R: Il y a eu ce discours très puissant aux Etats-Unis, ces dix à quinze dernières années, selon lequel la dépendance et les overdoses étaient un "problème de Blancs". Il est vrai que durant la première vague liée aux opiacés prescrits, le taux de mortalité par overdose chez les personnes blanches était plus haut que chez les noires. En 2010, c'était le double.

Les raisons sont complexes mais il est assez clair que cela a à voir avec le racisme structurel du système de soins, qui empêche largement l'accès aux substances contrôlées pour les personnes de couleur.

Mais après cette première vague, on a vu le taux de mortalité chez les individus noirs augmenter plus vite que chez les blancs.

Q: Quelle est la situation aujourd'hui?

R: Les populations noires sont disproportionnellement affectées par le passage au fentanyl. Pour la première fois depuis les années 1990, le taux de mortalité par overdoses chez les Noirs a dépassé celui des Blancs en 2020. Les objectifs de prévention des overdoses s'alignent aujourd'hui clairement avec ceux des mouvements de justice raciale.

Il est prouvé qu'avec le fentanyl, l'incarcération est un très gros facteur de risque de décès par overdose. Juste après que les gens soient libérés, il y a un pic énorme. Combiné à l'incarcération de masse des populations noires, qui est un gros problème aux Etats-Unis, c'est un facteur clé.

Avec des drogues devenues si dangereuses, cela demande beaucoup de ressources de rester en sécurité. L'accès aux soins, aux traitements, aux techniques de réduction des risques, au logement, à l'emploi... toutes ces choses donnent de la stabilité. Je crois que les inégalités observées pour ces conditions de base affectent les inégalités face aux overdoses.

Toutes les populations consomment des drogues, c'est un fait. Qui en meurt est dicté par un accès aux ressources.

Q: Quelle doit être la réponse?

R: La guerre contre les drogues, l'approche policière, a été un échec complet. Notre taux de décès par overdose est environ trois fois plus élevé que le deuxième pays le plus touché. Et il est vingt fois plus élevé que la moyenne. Nous avons le pire taux de mortalité par overdose de l'histoire. Rien n'a jamais ressemblé à ce que nous vivons actuellement.

Nous aurions vraiment besoin d'une restructuration profonde de la façon dont la société dépense de l'argent pour la gestion des drogues. La réduction des risques (par exemple la distribution de seringues propres, NDLR), est une solution importante mais ne s'attaque pas aux problèmes à la racine: l'accès aux traitements et la dangerosité des drogues en circulation. En Europe, de nombreux endroits proposent des programmes de prescription d'héroïne. C'est le type de stabilité qui aide les gens à surmonter leur addiction.

*L'interview a été légèrement éditée pour des questions de lisibilité.

T.Peeters--JdB