

Pégases 2025: le jeu vidéo français fêté à Paris, dans l'ombre de la crise
La sixième cérémonie des Pégases, qui récompense les meilleurs jeux vidéo français de 2024, aura la lourde tâche jeudi soir de célébrer une industrie secouée en France et dans le monde par une série de licenciements et de fermetures de studios.
Calquée sur le modèle des César pour le cinéma, la cérémonie, qui débutera à 20h00 à La Cigale à Paris, sera diffusée en direct sur la chaîne YouTube de l'Académie des arts et techniques du jeu vidéo et sur la chaîne Twitch de l'animateur Samuel Etienne.
Créés par le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), les Pégases réunissent depuis 2020 les acteurs du secteur et décernent leurs prix à la suite d'un vote effectué en deux tours par les 3.000 professionnels et membres de l'Académie.
Outre les 16 catégories, comme celles de "meilleur jeu vidéo", "meilleur jeu vidéo indépendant", "meilleur univers sonore", "meilleure excellence visuelle" ou encore "meilleure excellence narrative", d'autres prix seront décernés, dont celui du public.
La ministre en charge du Numérique Clara Chappaz viendra également remettre le trophée de la personnalité de l'année.
En tête des nominations et présents dans quatre catégories, ce sont quasiment deux mondes qui s'affrontent: d'un côté, "Prince of Persia: The Lost Crown" du géant mondial Ubisoft et, de l'autre, "Caravan SandWitch", premier jeu d'un petit studio indépendant montpelliérain, Plane Toast.
Nommé dans la catégorie reine, celle de "meilleur jeu vidéo", cet épisode de "Prince of Persia" - saga créée il y a plus de 30 ans - a été concocté au sein d'Ubisoft Montpellier, qui possède de nombreux studios en France et dans le monde.
Le destin de ce jeu d'action-aventure illustre bien la difficile équation à laquelle les gros studios sont désormais confrontés: malgré un très bon accueil critique et plus de 1,4 million d'exemplaires vendus depuis sa sortie en janvier 2024, il n'a pas atteint les objectifs de vente que s'était fixés le groupe.
Un remake de "Prince of Persia: les Sables du Temps", gros succès d'Ubisoft sorti en 2003, est également en préparation.
- Année noire -
"Caravan SandWitch", lui, a créé la surprise avec son univers chaud et coloré, dépeint par ses créateurs comme "un monde de science-fiction semblable à la Provence".
Il concourt notamment dans les catégories "meilleur jeu vidéo indépendant" et "meilleur premier jeu vidéo", tout comme "The Operator", titre inspiré de la série télévisée "X-Files" mettant le joueur dans la peau d'un enquêteur virtuel.
Mais ces deux succès de la scène indépendante française font figure d'exception dans une année 2024 parmi les pires de l'histoire de cette industrie.
Comme de nombreux éditeurs à travers le monde, dans un secteur qui enchaîne les vagues de licenciements après une période d'euphorie liée aux confinements, Ubisoft s'est vu contraint de fermer plusieurs studios, notamment aux États-Unis et au Japon.
Après plusieurs mois de négociations, un plan de départ volontaire au studio parisien de Don't Nod (Jusant, Life is Strange) va mener au départ de 58 employés, soit près de 20% de ses effectifs.
De nombreuses petites structures indépendantes ont également mis la clé sous la porte en 2024, faute de financement.
Selon le décompte du site Game Industry Layoffs, près de 15.000 professionnels du secteur ont perdu leur emploi dans le monde l'an dernier, contre 10.500 en 2023.
Plusieurs mouvements de grève ont également agité les studios français ces derniers mois, parmi lesquels Ubisoft, Don't Nod ou encore Spiders, avant une mobilisation générale le 13 février, une première pour le secteur.
Plus d'un millier de grévistes y ont participé, dans un milieu qui emploie entre 12.000 et 15.000 personnes en France.
Mais, au-delà des récompenses, les organisateurs veulent aussi se tourner vers l'avenir et promettent "des annonces et des images exclusives" de futurs titres tout au long de la cérémonie.
L'an dernier, c'est le jeu indépendant "Chants of Sennaar", développé par le petit studio toulousain Rundisc, qui avait été sacré.
K.Laurent--JdB