Géorgie: des milliers de manifestants pro-UE devant le parlement
Des milliers de manifestants pro-UE ont marché vers le Parlement géorgien samedi à Tbilissi, donnant le coup d'envoi d'une dixième nuit de protestations contre le gouvernement, accusé d'avoir abandonné les ambitions européennes du pays et truqué les législatives pour s'orienter vers la Russie.
La police géorgienne a de nouveau fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau devant le Parlement.
La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, en conflit avec le gouvernement et pro-européenne, était pour sa part samedi soir aux cérémonies de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, et s'y est entretenue avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont le pays combat une invasion russe depuis près de trois ans. Il a dit lui avoir exprimé le "plein soutien et la solidarité de l'Ukraine", appelant à "ne pas céder le pays à Poutine".
L'ex-république soviétique du Caucase est dans la tourmente depuis les élections du 26 octobre, au terme desquelles la victoire annoncée du parti au pouvoir du Rêve géorgien a été contestée par l'opposition pro-occidentale qui dénonce des fraudes. Les manifestations ont repris avec une nouvelle ampleur la semaine dernière après la décision du gouvernement de suspendre jusqu'à 2028 les négociations d'intégration à l'Union européenne.
Au cours de neuf nuits de protestations, émaillées de violences, les manifestants se sont réunis devant le Parlement et aux alentours face à la police, qui a dispersé la plupart des rassemblements par la force.
Selon les autorités, 341 manifestants ont été arrêtés au total depuis le début du mouvement. Près de 150 policiers ont été blessés.
Des milliers de personnes manifestaient de nouveau samedi, s'étant cette fois d'abord rassemblées devant une université de Tbilissi, avant de se diriger vers le Parlement à grand renfort de klaxons et de sifflets, bloquant l'une des principales artères de la ville, ont constaté les journalistes de l'AFP.
- "Nous n'avons pas peur" -
"Le gouvernement essaie de nous arrêter, de nous punir, mais nous ne reculons pas, nous n'avons pas peur", dit Guiorgui Romanadzé, 19 ans. "C'est notre dernière chance d'être libres, d'être heureux. Nous voulons l'Europe et seulement l'Europe".
"Nous nous battons pour notre liberté, pour notre entrée dans l'Union européenne, et nous voulons que la communauté internationale nous aide", a dit Teona Tchakvetadzé, une manifestante de 32 ans.
"Il faut que la communauté internationale sanctionne nos oligarques et ce gouvernement illégitime pour qu'ils soient sous pression, et que nous sachions que nous ne sommes pas seuls", a-t-elle ajouté. "Nous ne pouvons pas gagner ce combats tout seuls".
La chaîne de télévision Pirveli a affirmé que ses journalistes avaient été passés à tabac par des dizaines d'hommes masqués, sous le regard de policiers qui ne sont pas intervenus.
Lors du rassemblement précédent, dans la nuit de vendredi à samedi, "les forces de l'ordre ont arrêté 48 personnes pour désobéissance aux ordres légitimes de la police et vandalisme", a affirmé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.
Le commissaire géorgien aux droits humains, Levan Iosseliani, a pour sa part une nouvelle fois estimé que la police n'avait "pas de fondement légal pour disperser une manifestation pacifique".
- Arrestations d'opposants -
Le gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse par ses détracteurs, a adopté ces derniers jours un discours de plus en plus ferme. Plusieurs figures de l'opposition ont été arrêtées et les bureaux de leurs partis ont été perquisitionnés par la police, qui affirme avoir saisi des feux d'artifice et des cocktails Molotov.
Le chef du parti d'opposition Akhali, Nika Gvaramia, a notamment été battu lors de son arrestation devant les caméras de télévision. Il a ensuite été condamné à 12 jours de prison.
Le dirigeant du groupe d'opposition Géorgie forte, Alexandre Elisachvili, a lui été placé en détention provisoire pour deux mois.
Vendredi, le Premier ministre Irakli Kobakhidzé avait affirmé avoir "remporté une bataille importante contre le libéralo-fascisme" en Géorgie, terme qu'il emploie pour qualifier ses opposants.
Le parti au pouvoir "n'a plus le pouvoir ou les ressources pour faire face au peuple", a soutenu de son côté vendredi le leader du parti d'opposition Lelo, Mamouka Khazaradzé.
Les Etats-Unis et l'Union européenne, que M. Kobakhidzé accuse de "chantage", ont dénoncé cette répression, et Washington a menacé d'adopter de nouvelles sanctions.
O.Leclercq--JdB