Notre-Dame: un chantier essentiel pour les entreprises du patrimoine
Charpente, pierre de taille, ferronnerie: pour les entreprises de la restauration d'édifices, le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris permet de recruter, de préserver le savoir-faire et renforce le rayonnement - en France et parfois à l'étranger.
"Nous avons besoin de chantiers au quotidien pour pouvoir transmettre nos savoir-faire, pour qu'ils ne s'éteignent pas", résume à l'AFP Richard Boyer, coprésident du groupement des entreprises de restauration des monuments historiques. Sinon, "c'est un peu comme un pianiste qui ne fait pas de gammes".
"Il n'y a pas de maintien de savoir-faire sans travaux de restauration", insiste aussi François Asselin, patron d'une entreprise de menuiserie et de charpente, spécialisée dans la restauration de monuments historiques, qui participe au chantier de Notre-Dame.
Une fois perdu, il serait "très compliqué" de le retrouver, juge M. Asselin, également président de la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Et dans un tel cas, la restauration ne se serait sans doute pas faite à l'identique, mais avec des "techniques industrielles".
En France, un chantier comme celui de la cathédrale emblématique de la capitale - fondé sur la rénovation à l'identique de la charpente et de la flèche avec des matériaux d'origine - est devenu "un aspirateur à talents", souligne-t-il.
Pour les apprentis, "c'est l'occasion rêvée de bien les former sur les techniques de restauration du patrimoine", en conditions réelles.
- Rayonnement international -
Cet incendie "a permis de mettre un éclairage très particulier sur les métiers de la restauration" et "nous a permis d'être beaucoup plus attractifs auprès des jeunes, qui ont vu dans les métiers du patrimoine un débouché", dit M. Asselin.
Il souligne que "le savoir-faire (de ces artisans) rayonne bien au-delà de la France". "Quand je fais une tournée aux États-Unis, je peux vous dire que tous les clients que je connais ne me demandent qu'une chose: +parle-moi de Notre-Dame!+"
Les exportations vers les États-Unis, notamment de menuiseries "à la française", représentent quelque 20% de l'activité de la société Asselin, qui a remporté l'appel d'offres pour la reconstruction de la charpente en chêne de la flèche de Viollet-le-Duc avec les entreprises Le Bras Frères, Cruard Charpente et MdB Métiers du Bois.
En proposant ses services à l'étranger, "c'est quelque part le restaurateur de Notre-Dame" qui "vend son savoir-faire", un message qui est "très puissant", insiste le chef d'entreprise.
Sur le marché résidentiel haut de gamme américain, "ce qui fait qu'on arrive à se positionner, c'est tout simplement que nos clients là-bas sont sensibles à notre culture", explique François Asselin. "C'est un soft power formidable qu'il faut cultiver."
- "Continuité politique" -
De son côté, si Richard Boyer voit des marchés "quasi exclusivement sur le territoire national", "on est effectivement, très fier d'avoir sur notre carte de visite ce type d'opération": "Participer à un chantier avec un tel rayonnement vous permet de capitaliser ensuite, pour les appels d'offres qui vont suivre", explique-t-il.
A condition qu'il y ait de la demande: il faut surtout "une sorte de permanence et de continuité dans la politique de restauration des monuments historiques" car "on n'est pas une variable d'ajustement" budgétaire, affirme-t-il.
Pour François Asselin, il est primordial de "continuer" à dépenser pour le patrimoine malgré la "dette abyssale" française et malgré le défi que cela représente pour les particuliers qui souhaitent faire rénover un édifice d'intérêt pour le patrimoine.
Il insiste sur l'impact des dispositifs d'aide à la rénovation, comme ceux de la Fondation du patrimoine, qui peuvent contribuer à la sauvegarde du patrimoine français via du financement participatif et du mécénat d'entreprise.
"Le marché de la restauration du patrimoine est très dépendant, de façon directe ou indirecte, d'une volonté de l'État", juge François Asselin.
M.F.Schmitz--JdB