Attendu de pied ferme en Corse, Darmanin joue l'apaisement et la carte de l'autonomie
Gérald Darmanin se rend mercredi en Corse avec l'objectif de ramener le calme après les violences qui ont suivi l'agression en prison d'Yvan Colonna et en offrant la perspective d'une "autonomie" de l'île aux élus nationalistes qui réclament une "véritable solution politique" à long terme.
"Nous sommes prêts à aller jusqu'à l'autonomie. Voilà, le mot est dit", a annoncé le ministre de l'Intérieur dans un entretien à Corse Matin.
Quelle forme prendrait cette autonomie ? "Il faut que nous en discutions (...) Voir quel calendrier on peut mettre en place", a-t-il dit sur BFMTV/RMC. "Les discussion seront forcément longues, forcément difficiles (...) L'avenir (des Corses) est pleinement dans la République française".
M. Darmanin s'entretiendra dans l'après-midi à Ajaccio avec les élus de l'île, dont le président autonomiste du Conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni, à qui il a promis le début d'un "cycle sans précédent de discussions" .
Ce n'est "pas encore une victoire ni pour moi ni pour le peuple corse", a réagi M. Simeoni sur franceinfo.
Il a estimé "important" que "le ministre de l'Intérieur, au nom du Premier ministre, et probablement du président de la République, dise aujourd'hui publiquement que le gouvernement et l'État sont prêts à rentrer dans une discussion historique".
A moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle, la réouverture du chantier du statut de la Corse et la perspective d'une éventuelle autonomie ont suscité de vives réactions.
- "Catastrophique" -
La candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse, a accusé sur France Inter Emmanuel Macron de "céder à la violence", alors que Marine Le Pen (RN) a dénoncé sur Twitter un message "catastrophique".
La violente agression d'Yvan Colonna le 2 mars à la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône), où il purgeait une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l'assassinat du préfet Erignac en 1998 à Ajaccio, a fait ressurgir les tensions entre l'Etat et les nationalistes, frustrés que leurs victoires dans les urnes n'aient pas fait aboutir leurs revendications pendant le quinquennat.
Les divergences entre autonomistes et indépendantistes ont également refait surface.
M. Darmanin a dit qu'il ne pouvait "y avoir de dialogue dans la violence. Le retour au calme est une condition sine qua non".
L'agression d'Yvan Colonna a suscité des manifestations violentes, dont celle de dimanche à Bastia qui a fait 102 blessés dont 77 parmi les forces de l’ordre, selon le parquet.
M. Darmanin l'a qualifiée d'"acte manifestement terroriste" - l'agresseur, un jihadiste condamné, a justifié son geste par un "blasphème" de la victime - en faisant référence à Samuel Paty, l'enseignant décapité en 2020 pour avoir montré des caricatures de Mahomet.
S'il a trouvé "excessifs, pour ne pas dire insupportables, les mots de crime d'Etat" dénoncés par certains en Corse, il a concédé que "bien évidemment il y (avait) une part de responsabilité de l'Etat quand il y (avait) une tentative d'homicide sur un prisonnier".
- "Ca va bouger" -
Yvan Colonna se trouvait toujours mardi dans un état "gravissime", selon son avocat Patrice Spinosi, qui a demandé une suspension de peine.
Après sa visite aux élus mercredi à Ajaccio, M. Darmanin ira jeudi à la brigade de gendarmerie de Porto-Vecchio, prise pour cible vendredi par des manifestants.
Les autorités s'attendent à de nouvelles manifestations à la faveur de la visite du ministre. "On imagine que ça va bouger (...) mais on manque encore de visibilité", dit à l'AFP une source policière.
Le premier signe d'apaisement envoyé la semaine dernière par le Premier ministre Jean Castex, avec la levée du statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) d'Yvan Colonna et des deux autres membres du "commando Erignac", Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, n'a pas eu les effets escomptés.
Leur rapprochement "effectif" au centre pénitentiaire de Borgo (Haute-Corse) est désormais attendu par les nationalistes.
Si elle voit dans le déplacement du ministre "un bon début", la présidente nationaliste de l'assemblée de Corse Marie-Antoinette Maupertuis attend "des signes forts avant d'y croire", échaudée par les occasions manquées depuis 2017.
Reportée une première fois à l'été 2018 en raison de l'affaire Benalla, la réforme des institutions, qui devait entériner le statut particulier de la collectivité de Corse créée en 2015, avait de nouveau été présentée par le gouvernement un an plus tard sous une nouvelle mouture mais sans jamais être examinée depuis.
P.Claes--JdB