Dans l'est de la Turquie, attirer les touristes pour passer l'hiver
Quand Kismet attaque son petit galop, Orhan Goller a déjà ses doigts nus bleuis par le froid. Mais le blanc qui l'entoure et l'écho des sabots sur la glace suffisent à ravir ses clients.
De décembre à mars, quand la glace est suffisamment épaisse, le jeune homme de 19 ans, riverain du lac Cildir (prononcer tcheuldeur), l'un des plus grands d'Anatolie, dans l'est de la Turquie à la frontière avec la Géorgie, fait découvrir sa région aux touristes.
"On a 25 cm de glace aujourd'hui", indique-t-il. "Mais l'épaisseur peut atteindre 40 cm. Certains jours les températures descendent jusqu'à -30°C, -40°C. Ce n'est pas toujours ensoleillé comme aujourd'hui... Mais voilà: c'est notre gagne-pain".
L'été, le lac Cildir, avec ses 20 km de long, est le paradis des oiseaux migrateurs - goélands, cygnes et oies sauvages principalement.
Mais à près de 2.000 m d'altitude, l'hiver est long et rude et l'activité rare, aussi promener les touristes à bord des traineaux attelés constitue un petit complément aux revenus des riverains.
- Express de l'Est -
Surtout depuis que les visiteurs affluent d'Ankara par le Dogu Ekspresi, l'Express de l'Est, un train touristique qui traverse l'Anatolie en 36 heures, assurant de nouvelles ressources à la population.
Etudiant en agronomie à Kars, Orhan Goller, qui a grandi sur les rives du lac Cildir, se transforme volontiers en guide le weekend.
"On fait vivre notre culture, nos traditions. En temps normal, ces traineaux sont notre mode de transport. Autrefois, nos grands-parents s'en servaient pour aller à l'hôpital, se déplacer à travers les villages de la région. De nos jours, les gens en sont curieux, alors on les fait monter".
Courses de petits chevaux caucasiens ferrés pour la glace, lancer de javelots, pêche sous la glace, "on montre tout cela aux visiteurs en leur expliquant comment nous vivons ici", poursuit le jeune homme en relevant une ligne de pêche grâce à un trou pratiqué dans la glace du lac.
Trois accès ont été aménagés le long des rives, quelques restaurants, des vendeurs de thé - et même de vin chaud - réchauffent l'escale, désormais inscrite sur la route des cars d'excursions touristiques.
Et si la plupart d'entre eux ont alors plié bagages, c'est quand le soleil décline sur la glace que le lac gelé offre toute sa beauté.
A.Parmentier--JdB